Juste un petit passage ...

Lorsque le cheval fut pris entre Anushka et Roman, il paniqua. C'était un cheval intelligent qui avait très bien compris ce qu'on voulait lui faire. Il se cabra, envoyant des coups de pieds dans tous les sens, bondissant comme un jeune cabri. Puis il sauta carrément par dessus la porte de son box, comme ça, à l'arrêt, et galopa vers la sortie, comme fou. Mais heureusement qu'Ermolai était là. Il ne put attrapper le cheval, d'ailleurs il n'essaya même pas, mais dit, d'une grosse voix forte:

-Kirill, stop! Viens ici!

Et le cheval revint insantanément. Il ne désobéissait jamais à son maître, même pour des fers. Ermolai le calma puis l'installa pour la pose des fers:

-Je vais le faire avec vous, ça ira mieux. Je ne vous sens pas très à l'aise, Anushka, un problème?

Elle était sur la défensive vis à vis de lui. Pourtant, il ne lui avait rien fait...

hj: qu'est-ce qu'il a fait à anna qui nécéssite un tel recul???

Anushka eut juste le temps de sauter sur le côté pour éviter de se faire piétiner. Son coeur battait à tout rompre. Quelle idiote elle était. Entreprendre cela sans être détendue était du suicide, et Kirill avait dû sentir la pointe de méfiance qu'elle entretenait à l'encontre d'Ermolai.

-Je vais le faire avec vous, ça ira mieux. Je ne vous sens pas très à l'aise, Anushka, un problème?

Elle était la dernière des sottes. N'était-ce pas cet homme qui, sans considération pour sa condition ou son rang, lui avait confié les soins de sa monture? Et pas n'importe quel cheval, son compagnon de voyage, de battaille et de vie. Il avait passé plus de temps avec Kirill qu'avec n'importe quelle femme! Pourquoi, à présent qu'Anna lui avait parlé, elle se méfiait?Certes, elle ne voulait pas qu'il lui fasse du mal... Mais au final, si elle avait tout compris, Anna était autant responsable que lui dans cette affaire... Et bien qu'elle ne croyait pas Ermolai un goujat... à jouer avec les alumettes, on prend le risque de se brûler les doigts.

Il fallait croire que les informations collectées du Daniil avaient redressé ses murailles...

- Désolée... Vraiment. Tu n'as rien Roman?

Elle était vraiment confuse.

- Je crois qu'il serait plus sage, en effet, que tu restes Ermolai... Je suis vraiment navrée, je ne devrais pas à avoir à te demander cela...

Le bonjour d'Anna retentit et elle la salua, lui faisant signe d'approcher. C'était l'occasion révée pour savoir quelle conduite à tenir face aux deux tourteraux.

hj: ça répond à ta question?
^^

Anushka entendit un grognement s'échaper de la paille un peu plus loin. Elle se précipita vers Roman, qui avait l'air sonné.

- Bon Dieu! Tu as quelque chose de cassé? lui demanda-t-elle en lui tendant la main pour qu'il se relève.

Pendant qu'elle s'affairait à remettre Roman debout, elle observait Anna et Ermolai. La jeune femme s'était approchée de Kirill, et une certaine fascination transparaissait dans ses yeux. Elle allait du cavalier à la monture comme on apprivoise un lion sauvage. Avec respect, admiration et fascination.

Ermolai était heureux de voir Anna. Il lui sourit.
Kirill, en revanche, piaffa en voyant la main d'Anna s'approcher. Il donna un coup de tête loin d'être engageant à son encontre. C'était la première mise en garde: il allait mordre puis, pourquoi pas, envoyer un coup de sabot à Anna.

-Ne t'approche pas, Anna, le moment est mal choisi pour faire les présentations. Il est très énervé, il risque de te blesser. Il faut lui mettre de nouveaux fers mais il déteste ça...

Comme pour confirmer ce que disait Ermolai, Kirill poussa un hénissement presque hystérique. Il se cabra, se levant de toute sa hauteur. Heureusement, Ermolai le retenait par son filet et il réussit à le faire poser ses quatre pieds à terre. Il le ramena, piaffant de plus belle, dans l'écurie et l'attacha fermement à un anneau de fer.

-Allons-y, on va s'y mettre à 4, c'est très bien. Annushka, tu peux te mettre devant lui pour le canaliser, s'il te plait? Roman, on va luimettre les fers à deux. Et toi, Anna, est-ce que tu pourrais nous donner le matériel, s'il te plait? Allez, c'est parti.

Finalement, c'était un peu comme un combat: patience puis efficacité et personne ne serait blessé.

Anushka hocha de la tête, sérieuse. Elle posa une main sur l'encolure de Kirill et l'autre sur son nez. Elle n'avait pas peur de lui. Son coeur s'était calmé et le sourire radieux qu'Ermolai avait lancé à Anna parlait plus qu'un grand discours. Elle prit une grande inspiration.
Kirill semblait sur ses gardes. Il fallait qu'elle fasse amende honorable.

- Désolée mon vieux, ça ne se repruira plus. Je ne te laisserais plus tomber...

Elle continua de lui parler tout bas. C'était extrèmement gênant étant donné le monde qu'il y avait aux écuries... Mais s'il fallait cela pour que Kirill lui pardonne, elle s'y plierait volontiers.

Kirill se tenait tranquille pour le moment, il fallait faire vite, Ermolai savait que ce calme n'était qu'apparent, qu'il se cabrerait de nouveau lorsqu'il verrait le fer. Il fallait faire vite.

-Le fer et les clous, Anna, s'il te plait. Ils sont près du box. Allez Kirill, du calme, ce sera bientôt fini.

Anushka vit du coin de l'oeil Anna tomber à la renverse. Elle était concentrée sur Kirill, mais elle vérifia brièvement qu'elle n'avait rien.

- Anna? Rien de cassé?

Roman semblait être un garçon bien organisé, mais on n'était jamais à l'abris, ni d'un outil tranchant oublié par quelqu'un d'autre.

-Anna, ça va? Anushka, tiens lui bien la tête, j'y vais!

Ermolai installa le premier fer, non sans déclencher un concert d'hennissements. Mais Kirill ne bougea presque pas. Ermolai enchaina avec le second, puis le troisième et enfin le quatrième, sans incident notable. Mais le cheval lançait des regards traqués dans tous les sens. Ermola lui parlait pour le calmer mais Kirill piaffait, levant et baissant la tête rapidement. Ermolai savait que détacher Kirill allait relever de l'accrobatie pure. Il dit:

-Bon, si on le détache, il va faire n'importe quoi. Je vais le monter et ensuite Anushka, tu le détacheras et tu sauteras vite plus loin. Moi, j'essayerai de le maîtriser et de le calmer.

Elle acquiesca. Une fois qu'Ermolai fut en selle, Anushka se prépara mentalement et libéra Kirill. Elle était prête à sauter, mais pas à ce que le cheval se cabre à ce point. La distraction la fit réagire un quart de seconde trop tard. Heureusement pour elle, Kirill ne lui envoya qu'un coup de pied arrière en plein estomac. Il aurait très bien pu la piétiner.

Il lui sembla qu'elle volait et lorsqu'elle heurta le sol lourdement dans un bruit inquiétant certainement provoqué par sa tête, la douleur lui transperca le corps à telle point qu'elle ne savait même plus où elle avait mal exactement. Sa vue se brouilla et le temps se figea. Elle voulu égrainer tout le chapelet d'insultes qu'elle avait appris auprès de ses frères ces vingt dernières années mais elle s'en trouva incapable. Puis ce fut le noir total. Et le silence.


hj: je ne suis pas volontaire pour la paire de baffe du siècle! Poussez-moi sous un meuble, je m'en remettrais ^^

Kirill se cabrait de plus belle et Ermolai était contraint de se tenir à la selle pour ne pas tomber tant les coups du cheval étaient violents. Il avait beau tirer sur les rênes de toutes ses forces, l'animal continuait de se débattre. Il avait vaguement vu Anushka tomber, mais il n'était pas sûr tellement tout dansait devant ses yeux. La situation d'urgence l'empêchait de réfléchir. Puis, il eut une idée: il allait laisser galoper Kirill, il finirait bien par se fatiguer et se serait moins dangereux pour les autres. Il hurla donc:

-Poussez-vous!

Et il donna un énorme coup de talon à Kirill en même temps qu'un grand coup de bassin. Le cheval partit immédiatement au triple galop et ne tarda pas à disparaitre.

Anushka revint très lentement à elle, dans un grognement de douleur. Elle repris conscience du monde qui l'entourait, et fut surprise de ne plus entendre Kirill. Elle ouvrit les yeux. Cela l'affola et elle tenta de se relever malgré la douleur qui s'était réveillée en même temps qu'elle. Cela la fit jurer comme jamais auparavant.

Quelle idiote! Bon sang! Elle avait agis comme une imbécile et avait oublié les règles de base lorsqu'on travaillait avec les chevaux. Elle n'avait à s'en prendre qu'à elle même.

- Où est Kirill? Et Ermolai? demanda-t-elle déboussolée. Ils vont bien?

Anushka avait la tête qui tournait. Le choc n'avait pas dû lui faire du bien. Elle allait être bonne pour une grosse migraine, ou une bosse...

Yulian arrive à cet instant, à la fin de la bataille, comme souvent. Il ramène sa jument à l'écurie après une longue ballade. Il saute de selle et se précipite vers la demoiselle qui ne semble pas bien vaillante:

-Mademoiselle, vous allez bien? Vous avez eu un accident avec un cheval?

Peut-être celui qu'il vient de voir passer à toute allure et qui a effrayé Tania tant il avait l'air pris de folie...

- Plus ou moins... Oui...

Elle passa la main derrière sa tête qui la faisait encore particulièrement souffrir. Ca lui apprendra à faire attention.

- Trois fois rien en fait... Mais je sens que je vais m'en souvenir... Merci de vous soucier de moi.

L'homme était inhabituellement prévenant. Son visage ne lui était pas particulièrement connu, mais il était vrai que ces derniers temps, elle avait eu du mal à se tenir au courrant des allées et venues de tout le monde.

Anushka tenta de se relever mais retomba lourdement les fesses par terre, se retenant pour pousser un nouveau chapelet de jurons.

-Oh la, mademoiselle! Restez avec nous!

Yulian la soutient un peu dans sa chute. Il l'assied et l'asperge d'un peu d'eau bien fraiche:

-Voilà, voilà! N'allez pas trop vite! Il faut savoir cerner ses limites et les votres sont atteintes, je crois! Vous voulez aller quelque part? Demandez-moi, je vous y conduirai!

Il sourit pour la mettre en confiance: elle ne le connait pas après tout.

Anushka n'aprécia pas vraiment la douche froide. Pas du tout même.

- Non mais, est-ce que je me promène en aspergeant les gens? On a pas élevé les huitres ensemble que je sache! s'énerva-t-elle.

Puis elle fit une pause pour réaliser qu'elle avait les idées beaucoup plus claires. D'accord, elle n'avait pas aimé, mais elle devait admettre que cela avait fait mouche. Elle réalisa que l'homme en face d'elle était beaucoup trop bien habillé pour être un garçon de cuisine, d'écuries, ou un jardinier.

- Oh... Vraiment désolée! Veuilez me pardonner Monsieur! Je crois que je ferais mieux d'aller me changer...

Elle tenta de bouger de nouveau, mais avant même qu'elle tente de se relever, elle eut le souffle coupé par une douleur qui la surprit. Elle jura. Encore.

- Bon sang, veuillez me pardonner... douée comme je suis j'ai certainement une ou deux côtes de cassée...bougonna-t-elle.

Depuis son plus jeune âge, elle avait réagit à la douleur comme ses frères, en jurant comme un charetier et en revêtant une humeur de loup blessé, ou de louve venant de mettre bas. Il fallait qu'elle retourne à sa chambre, mais elle en était bien incapable. Pourquoi ne pas coucher dans les écuries? Avec un peu de chance, il y aurait un boxe de libre...Et puis, cela ferait un chien de garde de plus pour Roman.