Retrouvailles

La salle des gardes... je crois n’y avoir jamais été venue. Intimidée, je prend la main de Zlatan dans la mienne. Et puis... ce n’est pas comme s’il ne m’avait pas prise par le bras tout à l’heure.

Je me sens sale et tellement insignifiante dans ces couloirs. Je ne fais plus parti du décors comme autrefois. Tout a tellement changé...

La main de Zlatan est chaude et rassurante, un tel contact me manquait. Et quand enfin nous entrons dans la salle, je ne peux m’empêcher de me tourner vers lui. Il y a quelque chose dans son regard...

– Ermolai est là ? demandé-je timidement.

Mon coeur s’emballe, impossible de l’arrêter. Je regarde à gauche, à droite, il n’est nul part.
Mon dieu... faites qu’il soit là !

Ses lèvres, son corps, sa chaleur, lui. Si présent, si vivant... Ses mains, son souffle, ses yeux... Le manque des derniers mois devient plus pressant, plus urgeant. Il faut satisfaire ce désir insatiable. Encore... Encore !
Des larmes roulent sur mes joues. De joie, de tristesse aussi. Je serais incapable de séparer ces deux sensations : trop proches, trop intenses.

Je m’écarte doucement de lui, les sanglots remontant dans ma gorge.

– Ermolai... murmuré-je en hoquetant.

Je me blottis contre lui, incapable de dire un mot de plus. Comme pour briser ce drôle de silence, mon estomac émet un grognement terrifiant.
Mes joues s’empourprent et le malaise s’installe...

Je m’écarte une nouvelle fois d’Ermolai, regarde mon ventre. Il aurait du être bombé, il aurait du contenir un délicat petit être... qui n’est plus. Comment lui dire que son bébé, je l’ai perdu ?

– Je suis désolée, dis-je simplement. Je suis tellement désolée...

Je me laisse tomber dans une chaise en soupirant.

– Dis... Crois-tu qu’il y aurait moyen de... manger ?

La question m’embarrasse un peu mais j’ai tellement faim. Rien avalé depuis hier matin. Enfin.. “Avalé”, une pomme pas mure trouvée sur le côté de la route. Mais mieux vaut avoir un ventre presque vide que totalement vide.
Rien que de penser aux délicieux mets que concocte la cuisine, j’en salive d’avance.

– Et il faut que tu me raconte ce qui s’est passé suite à ton départ. J’ai à peine eu le temps de te dire au revoir... Puis la cours est partie... et j’ai du m’en aller à mon tour.

À Manger ! Un soulagement terrible s’empare de moi, une lassitude... Tout ira bien, après des jours à se demander ce qu’on deviendra le jour suivant, tout... ira bien. Quand le page revient avec des assiettes remplies, je ne m’empêcher de rire. C’est tellement irréel !
Mon choix se porte sur une grande assiette de soupe. Si jamais je mange trop, je serais malade. Une soupe me rassasiera et me fera du bien.
C’est onctueux, légèrement salé, et le goût des épinards est tout simplement divin. La soupe aux épinards est ma préférée et... en moins de temps qui ne le faut pour le dire, le bol est fini.
Je lance à Ermolai un petit sourire d’excuse.

– Tu m’as manqué, avoué-je. À la seconde où tu es parti avec les troupes, le château s’est mis à paniquer et en deux jours, il ne restait plus que les employés qui n’ont pas eu la chance de partir avec les nobles. Je suis restée une journée supplémentaire au château pour cacher les biens de la Tsarine comme elle me l’avait demandé. Puis j’ai rejoins Lorelei et le Tsar. Tu sais aussi bien que moi ce qu’il leur est arrivé... Une fois mort, je n’ai eu personne vers qui me tourner, alors j’ai repris la route, un peu au hasard. J’ai commencé à me diriger vers l’Ukraine, en espérant tomber sur un poste arrière de l’armée et me renseigner sur la où tu te trouvais. Je n’ai rien trouvé et quant enfin les rumeurs de la paix se sont faits entendre, j’ai repris la route vers le Château. Mais toi, raconte moi ce qu’il s’est passé !