bouffée d'air frais

Anushka s'était précipité dans le labyrinthe aussi tôt qu'elle avait été certaine que Stepan n'avait plus besoin d'elle. Elle était sur le point de rejoindre les écuries, et devait avoir dix minutes pour souffler. Rarement un service avait été aussi éprouvant. Et elle eut l'impression que c'était le premier d'une longue lignée...

Stepan avait failli évicérer un idiot fini, et par la même occasion tous ceux qui étaient incapables de réagir en période de crise, autrement les deux-tiers de la cuisine. Efficace et discrète comme à l'accoutumée, Anushka avait fait son possible pour anticiper les attentes de Stepan et leur faire gagner les quelque secondes précieuses qui allaient permettre au chef de tranformer une catastrophe en léger contre-temps.

Rien n'était plus horipilant qu'une brochette de poules ayant trouvé des couteaux, et le mieux qu'elle pouvait faire c'était offrir une paire de bras supplémentaire à L'Intendant. Interpréter les regards et agir en conséquence, cela lui avait pris quelques mois pour réussir à assimiler le language corporel de celui qui faisait office de Dieu le Père quand le service était lancé. Elle avait passé des heures à l'observer sans qu'il ne s'en rendre compte pour parvenir à ce résultat.

Ensuite, elle avait repris sa place comme si de rien n'était. Mais la tension était resté. Une fois qu'il ne restait plus que le petit travail, Stepan s'était éclipsé et elle était resté un peu plus longtemps uniquement pour s'assurer que personne n'avait décidé de mettre le feu à la cuisine pour couronner la journée.

Et la voilà, cheminant inlassablement entre les haies tortueuses. Elle venait toujours ici pour organiser ses pensés, mettre les informations, les conversations en perspective. Elle connaissait le chemin comme si elle se promenait dans son propre esprit et n'en ressortait que lorsqu'elle y était prète.

Le soldat surprit Anushka qui sursauta.

- Oh Vlad! Pardon, je ne m'attendais pas à être trouvée ici...

fit-elle avec un petit sourir d'excuse.

- Fatiguée... pas vraiment. Disons que je suis tendue et que j'ai juste besoin d'un peu d'air et de soleil pour me retaper. On a encore eu un idiot en cuisine, et comparé au service de ce midi, je suis certaine que la campagne d'Ukraine c'était de la rigolade! Il faut toujours que ces crétins attendent le moment oportun pour saloper le travail de Stepan. Ils ne peuvent pas faire ça quand le Tsar est en voyage...

Anushka ne voulait pas paraitre méprisante envers ceux avec qui elle travaillait, mais parfois elle avait vraiment l'impression qu'ils le faisaient exprès.

- Et toi? Que fais-tu ici? Tu n'es pas parti chasser avec les autres?

Elle avait entendu parler d'une partie de chasse prévue pour l'après-midi.

Anushka eut honte.

- Désolée... balbutia-t-elle un peu désarçonée.

Elle savait qu'elle n'aurait pas dû aborder l'Ukraine. Elle s'en voulu aussi de ne pas avoir remarqué que Vlad était si fatigué. Pour une fois qu'elle rencontrait un soldat amical et capable d'aligner plus de trois mots cohérents, elle se conduisait comme une idiote.

- Ma remarque était déplacée... Mais j'ai peur que tu ne te reposes pas longtemps ici.

Elle avait lâché ces derniers mots avec amertume. Elle avait beau se bercer de douces illusions, chaque cellule de son corps lui criait qu'il y allait avoir du grabuge, un jour ou l'autre. Et l'attente était parfois plus épuisante que l'action. Elle reprit avec entrain cette fois-ci, elle ne voulait pas le démoraliser.

- Le palais n'est jamais en mal d'intrigues! Et qui sait, un valeureux général revenant du front, les femmes vont se pâmer à tes pieds! Arme-toi de courrage Vlad, les femmes sont devenues plus tenaces depuis ton départ!

- Tu as raison... Fais-les donc attendre ces chipies! Ton effet n'en sera que plus grand, et puis tu auras vraiment besoin de force, courage et patience pour les affronter!

Puis plus sérieusement.

- Si jamais tu as besoin de quelque chose, fais-moi signe.

Elle savait pour avoir observé bon nombre de courtisans qu'affronter la cour quand on n'avait qu'une seule envie, dormir et être isolé, était une chose particulièrement dangereuse car on n'était jamais à l'abris d'une conversation trainant en longueur.

Anastasiya voulait prendre l'air, elle se sentait seule, perdue et avait besoin de réfléchir. C'est pourquoi elle pensa de suite au labyrinthe, personne ne s'y trouvait jamais et elle pourrait ainsi s'y ressourcer avant d'affronter toute la cour.

Elle marcha assez longtemps, et ravie de n'y avoir rencontré personne elle continua, absorbée par ses pensées, quand soudain, elle perçue des voix non loin d'elle, une masculine et une féminine, elle se demanda à qui pouvaient-elles appartenir et s'interrogea sur ce qu'on dirait si on la trouvait ici, derrière cette haie, près d'eux, ne l'accuserait-on pas d'écouter ce qui ne l'a regarde pas? Etait-ce une discussion secrète?

Elle s'arrêta net, une branche craqua en dessous son pied... Elle n'osa plus bougé et attendit.

Ouf ! pensa-t-elle, ils ne m'ont pas entendu, ou alors ils ont fait semblant.

En tout cas, désormais, elle savait à qui appartenait cette voix masculine, c'était celle de Vlad, elle l'avait immédiatement reconnu. De plus, elle savait une part de son emploi du temps lors des repas... Elle aurait aimé les prendre avec lui, le connaitre davantage, peut-être lui rendra-t-elle visite quand il se restaurera, mais elle ne voulait pas l'importuner, alors comment savoir?...

Elle se rapprocha de la haie, s'appuya un peu afin de voir le visage de l'interlocutrice, elle avait les traits fins, elle était très jolie... Ca ne pouvait pas être une relation secrète tout de même...

Afin de ne pas se faire remarquer, elle décida de ne pas sortir de cet endroit tant qu'ils seraient là. Elle continua donc d'attendre.

Ermolai avait besoin de se détendre, de se divertir et il n'y avait rien de mieux qu'un labyrinthe, pour ça. Il marchait depuis un petit quart d'heure lorsqu'il aperçut une jeune fille, de dos. Elle avait des cheveux châtains bouclés, longs, très jolis. Une jeune fille de la noblesse, sans aucun doute. Elégante, distinguée. Elle écoutait avec curiosité ce qui lui sembla être la voix de Vlad et... Anushka, la jeune fille que son cheval adorait. Il s'approcha de la gracieuse Alice au pays des merveilles qui lui tournait le dos et murmura, charmant, à son oreille:

-Bonjour Mademoiselle. On écoute au haies?

Il était de bonne humeur, d'humeur à plaisanter.

confuse et honteuse d'avoir été prise sur le fait anastasiya pris une admiration soudaine sur ces pieds, puis, elle décida de lever la tête et lui lanca un timide

-bonjour

puis commenca a s'en aller, en espérant bien qu'il ne chercherait pas a la rattraper...

Et bien entendu, Ermolai la rattrapa, s'excusant platement. Règle de base: pas d'humour avec des inconnus, on ne savait jamais si ça allait être bien interprété!

-Je suis désolé, Mademoiselle, c'était juste une plaisanterie. je ne voulais pas vous embarrasser! Je m'appelle Ermolai Valaski. Et vous?

Il lui tendit le bras, l'invitant à se promener avec lui, par ce geste courtois.

elle resta hésitante, et lui répondit:

- je m'appelle Anastiya ivanova... et d'accord, je le prend avec humour, mais je ne voudrais pas que vous pensiez que je suis une voyeuriste ou quelque chose du genre...

puis, comme elle n'aimait plus cette solitude pesante depuis qu'elle était arrivée et qu'elle voulait en savoir plus a propos de la vie d'ici, elle accepta son bras et marcha à ses cotés.

Ermolai sourit:

-Ne vous en faites pas, je ne pense pas cela de vous. Vous avez l'air bien trop distinguée pour ce genre de choses! D'où venez vous donc, Mademoiselle? Je ne crois pas avoir déjà aperçu votre charmant visage par ici!

Anushka entendit aux alentours un bruit. Elle s'était trop focalisé sur sa conversation avec Vlad et était incapable de savoir d'où cela venait. C'est alors que Vlad enchaîna.

- Ah, Anushka, j'allais oublier. J'en profite d'être seul avec toi.

Son coeur manqua un battement. Et elle écarquilla les yeux. La phrase du Général lui avait fait l'effet d'une plongée dans un lac gelé. Elle ne l'avait vraiment pas vue venir celle-là. Il dut percevoir son étonement, car il s'expliqua presque immédiatement.

- Ah, pas de problème. Je te monterais tes repas, et pas la peine de me payer pour cela! fit-elle à présent détendue. Quand j'apporte le petit-déjeuner des gars aux écuries, je n'attend pas remboursement, alors je ne vois pas pourquoi je te ferais payer! Dis moi juste vers quelle heure tu aimes manger et je ferais mon possible.

La méprise avait un peu chamboulé Anushka. Il avait des choses auxquelles elle devait réfléchir.
Elle entendit des sons de voix familiers et arqua un sourcil interrogateur en dirrection de Vlad. Elle avait horreur d'être écouté.

La curiosité était très forte. Elle mourrait d'envie de savoir qui avait le toupet de les observer, mais elle ne voulait pas blesser Vlad qui était si gentil avec elle.

- D'accord. Elle continua sur le ton de plaisanterie. Il est hors de question que tu me paies! Si tu me paies, tu mourras de faim! J'ai bien le droit de te rendre un service... Et puis ce n'est pas pour deux ans, c'est pour une semaine! Je ferais comme si tu étais gravement malade et que c'était une question de vie ou de mort...

Si elle plaisantait, elle n'en était pas moins sérieuse. Vlad ne la paierait pas, un point c'était tout. Puis elle changea de sujet.

- Une fois que le mariage et ta période de quarantaine seront passés, tu as prévu de faire quoi? Je veux dire, tu vas profiter de la cour ou tu vas repartir?

- Tu es têtu comme une vieille mule!

Anushka regreta un moment son excès de camaraderie, mais on ne pouvait pas lui demander de dire tu sans lui permettre quelques familiarité.

- Tu n'as pas de la famille à visiter? Après tout ce temps, les tiens doivent te manquer.

Elle n'aimait pas vraiment qu'il évoque avec autant de légereté sa propre mort. Grisha aussi avait cette sale habitude de hausser les épaules de façon nonchalente à chaque fois qu'elle lui avait demandé s'il n'avait pas peur de mourir et cela l'inquiétait plus qu'autre chose.