une rencontre (pv Mina)

*Mikhail trainait au hasard du château, au petit bonheur la chance,espérant tomber miraculeusement sur une salle remplie de nourriture. Il avait faim! Etant arrivé après l'heure du déjeuner, il se demandait où pouvaient bien être ces fichues cuisines! Il aurait bien entendu une préférence pour une bonne soupe au chou, aux pommes de terre et au lard fumante mais il mangerait ce qu'on lui trouverait, fut-ce un morceau de pain noir. Enfn, peut-être pas du pain noir, il n'avait pas faim au point de manger de la nourriture pour paysans, mais sinon, il mangerait ce qu'on lui trouverait. Il pénétra dans une grande salle qui, à son désespoir, n'était pas les cuisines...*

Mina aussi se rendait aux cuisines, mais pas pour manger, pour commander de la nourritre pour son prochain salon. Elle savait bien que les femmes nobles, en général, s'adressaient au tsar pour lui demander de demander aux cuisines, mais le tsar avait d'autres chats à fouetter et elle n'aimait pas les intermédiaires. Elle avait deux jambes, une langue et des cordes vocales, comme tout le monde, alors elle pouvait faire ses comissions elle même. Et elle avait une sacrée commande à passer: un nombre incalculable de gâteaux, sucreries et boissons en tous genres. Et si elle avait de la chance, on pourrait aussi lui trouver sa surprise... Elle réservait à ses invités un cadeau de taille: des pâtisseries orientales! Enfin, si le cuisinier pouvait les faire, parce que c'était très complexe à réaliser du fait que les ingrédients étaient presque introuvables... Mais elle aimait les défis, alors on verrait bien! Elle entra dans la grande salle pour passer ensuite dans les cuisines et vit tout de suite le très bel homme qui harpentait la pièce, perdu comme un poulet sans tête. Très très mignon... Elle savait reconnaître la beauté quand elle la voyait, qu'il s'agisse d'un homme, d'un gâteau, d'un paysage ou d'un cheval et même s'il ne lui serait jamais venu à l'esprit de penser ne serait-ce qu'à un badinage avec lui, force était de constater qu'il avait la nature pour lui. Elle s'approcha et dit, d'une voix claire et haute qui résonna dans la salle assez peu meublée:

-Bonjour! Vous êtes perdu? Je peux peut-être vous aider!

Elle lui sourit, oui, il était vraiment parfait: un nez bien droit, ni trop court ni trop long, une très belle bouche, bien régulière, et des yeux bleux comme les mers du sud. Et il avait en plus cet indéfinissable charme, cette apparence soignée et élégnte qui fait toute la différence. Non, décidément, il n'y avait vraiment rien à changer dans l'apparence de cet homme là! Plus beau, c'était un rêve, une chimère.

- Dieu soit loué enfin un visage humain!

*Il faisait allusion aux nombreuses statues et aux nombreux portraits qu'il avait croisés sur sa route.*

- Eh bien en effet, je suis perdu... Je cherche les cuisines! Je sais bien que l'heure du repas est passée mais voyez-vous, je suis arrivé il y a peu et je meurs littéralement de faim! Je suis Mikhail, comte de Saratov. Et vous même madame?

Mina sourit: oui, il était bien perdu! Il fallait dire que c'était facile à deviner: il avait le regard perdu et la démarche peu sûre.

-Je suis Mina, duchesse d'Omsk. Bienvenue au palais, alors, si vous arrivez! Les cuisines ne sont pas loin, je m'y rend justement. Il faut que je commande un buffet pour mon prochain salon. Si vous tenez à rencontrer des gens, venez vous aussi! Je vous invite. De toutes façons, je crois que nous sommes tous des nouveaux venus, ce sera l'occasion de faire connaissance! Je sais bien qu'en général les salons sont plus fréquentés par les femmes mais je vous assure qu'on ne parlera pas couture. Moi en tous cas, il est exclu que j'en parle!

- Pour tout vous avouer, il est également exclu que je parle couture moi aussi! Je ne suis pas très doué pour quoi que ce soit d'autre que de recoudre un fond de pantalon dans ce domaine, j'en ai peur... Votre proposition est très aimable, si je le peux, je passerai vous voir! Je n'ai jamais fréquenté les salons, dans ma province ils sont exclusivement réservés aux femmes. Les hommes nobles se réunissent d'ordinaire pour une partie de chasse ou pour une chevauchée. Mais je pense que vous aussi, vous devez aimer l'équitation, non?

*Il n'avait absolument rien contre les femmes indépendantes, bien au contraire, il les admirait. Il n'aimait pas les poupées, ce qui expliquait que jusqu'à présent il avait plutôt préféré les servantes aux femmes de Cour, mais ça c'était une toute autre histoire...*

-Oui, j'adore l'équitation, comment l'avez vous deviné? Et la chasse également.

Elle sourit et s'expliqua:

-Mes salons à Omsk n'étaient pas réservés aux femmes, et ils ne le seront pas plus à Saint Pétersbourg! Mon mari y assiste régulièrement, ainsi que les maris de mes amies, des artistes, parfois des soldats ou des hommes de Cour. Je trouve que les salons de femmes sont assomants. On y babille des âneries en pouffant comme des petites filles qui croient encore au prince charmant. Ca va bien jusqu'à treize ans mais ensuite... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai décidé de créer mon salon! Je ne supportais pas d'assister à ceux des autres nobles, c'était d'un ennui plus que mortel! Les salons doivent être des lieux de convivialité, de réunion, de fête même pour la noblesse, et non une sorte de gynécée fermé où l'on baille le plus poliment possible en tentant de se conformer à l'image de la femme pieuse qui fait la joie des ecclésiastiques!

Elle savait qu'elle était polémique, mais loorsqu'on la lançait sur le sujet, elle était inarrêtable. Elle ne supportait pas les poupées de porcelaine que l'on pose là pour les admirer mais qui n'ont pas plus d'esprit que la porcelaine qui les compose. La fougue, la passion, la curiosité, voilà ce qu'était la vraie vie! Le reste, ce n'était que conditionnement et asservissement de la femme.

- Eh bien on peut dire que vous avez du caractère! Mais en réalité, cela se voit à vos cheveux et à votre mise. C'est pourquoi j'en ai déduit que vous aimiez monter à cheval. J'aime les femmes qui ne se posent pas en victime et qui assument leur statut. Quant aux salons de femmes, je suis d'accord avec vous là encore! Une fois, lorsque j'étais enfant, je me suis glissé dans la pièce où ma mère tenait le sien... Je n'ai pas tenu dix minutes avant de mourir de rire! Ma mère était bien entendu furieuse que j'ai osé déjà y venir alors qu'aucun homme n'était autorisé et ensuite m'en moquer... Mais j'en garde un souvenir hilarant!

-J'imagine bien la scène! Le petit garçon caché dans un coin qui hurle de rire quand sa mère parle de l'épineux problème du point de croix dans la manche du manteau!

Elle éclata de rire:

-Vous savez, je crois que je n'ai jamais beaucoup aimé les princesses! Quand j'étais petite, mon père m'emmenait avec lui à la chasse. Mes parents m'ont aussi fait donner une éducation de garçon, ils étaient convaincu du bien fondé de la culture et du savoir pour les femmes, ils disaient qu'il serait moins facile de me faire prendre des vessies pour des lanternes. Et ils avaient raison! Les femmes ne sont pas naives ni mièvres de nature, c'est leur éducation qui les rend ainsi. On les coupe de toute vie active, les relégant à des tâches "douces", "féminines", bref, inintéressantes. Et ensuite on les fait rêver au prince charmant, elles se marient de bon coeur et elles déchantent puis se raccrochent à ce qu'elles peuvent. Tout est question d'éducation, d'instruction, on a de la chance ou pas... Et incontestablement, j'ai eu de la chance! Mes parents m'ont laissée me couper les cheveux, me marier avec qui je voulais, vivre, en somme, comme je le voulais, en me donnant les mêmes armes que les hommes, ce qui est un point éminemment positif dans une société faite par et pour les hommes.

- Je pense que tout le monde devrait pouvoir choisir. Certaines des taches dites féminines sont fort intéressantes! Personnallement j'ai toujours admiré la dextérité de ma mère pour confectionner des vêtements. Pas vraiment de la couture mais une sorte de magie qui rendait les vêtements doux et soyeux et qui articulait plusieurs étoffes... Pour moi ça ressemblait aux tissus des mille et une nuits! Mais je suis d'accord avec vous sur un point, les taches d'hommes et de femmes ne devraient pas exister. Nous avons tous des prédispositions différentes qu'il serait bien plus efficace de mettre en valeur plutôt que de les restreindre. Enfin, je sais que nous sommes d'accord à ce sujet. J'aime beaucoup la chasse moi aussi et j'y emmenais souvent mes cousines. Les femmes instruites des choses de la vie sont tellement plus fines ques les hommes sur certains points... C'est dommage de ne pas en profiter, n'est-ce pas?