un coup de main

Il était encore tôt. Enfin, non. Il était beaucoup trop tôt pour un membre de la cour, mais pour une domestique qui n'était pas de petit déjeuner, il était juste un peu trop tôt. En revanche, Anushka savait que les garçons d'écurie travaillaient déjà, encore un peu à tâton pour certains qui avaient abusé de la bouteille la veille au soir, mais tout de même.

La cour reçevait des gens importants et les écuries royales se devaient d'être exemplaires... tout comme les cuisines, la salle des garde, etc.

Anushka contempla les chevaux au passage, et attrapa une pomme de son panier pour le doner au cheval d'Ermolai... et soupira; c'était une des plus belles bêtes du monde. Puis elle se concentra. Elle était venue à la pêche aux informations, ce qui impliquait nourrir la moitié des écurie. Elle jeta une pomme à Matvey ainsi qu'un morceau de pain, le tout prélevé sur le garde manger des domestiques.

- Alors? Quoi de neuf ce matin? demanda-t-elle, joviale. Je peux être utile? J'ai une heure devant moi.

Matvey lui lanca un sourir chalereux, elle était l'une des rares à ne pas avoir la gueule de bois de matin, et lui lanca un balais en retour. Comme elle s'y attendait, les écuries devaient être impecables.

Ermolai entra dans les écuries comme un courant d'air. Il était tôt, mais il s'était déjà occupé de nombreuses affaires en cours, ce matin. Et Dieu sait qu'il y en avait! Le mariage, le traité de paix... Mais ce n'était pas un souci: il ne dormait presque pas. Ce qui, avouons-le, est une bénédiction pour un homme dont la tâche est de maintenir un Royaume immense à flots lorsque son Tsar sombre dan le chagrin. Enfin, si tout se passait comme prévu, bientôt, toute cette histoire ne serait plus qu'un mauvais souvenir. D'accord, un TRES mauvais souvenir.
Il avait fait un saut par les écuries pour aller voir son cheval Kirill, qui avait un petit problème à l'encolure. C'était la période où les chevaux perdaient leurs poils d'hiver et il s'était un peu trop dégarni à l'endroit du pommeau de la selle,lors de la dernière partie de chasse. Ce n'était pas inhabituel mais légèrement ennuyeux. Ermolai adorait son cheval, ils ne formaient qu'un. En changer n'était pas envisageable. Il vit qu'il y avait déjà du monde:

-Bonjour.

Il s'adressa directement à Anushka qui avait tellement l'air de s'y connaitre et d'être à sa place qu'il la prenait pour l'employée principale:

-Comment va Kirill, ce matin? Il a bien mangé? Et sa bessure, ça cicatrise?

hj: j'adore la signature!!!

Quand Ermolai Valavski, LE Ermolai Valavki, s'adressa à elle pour prendre des nouvelles de Kirill, le regard jaloux de Matvey n'échapa à Anushka. Il aurait été malvenu de sa part de s'interposer. Ermolai lui avait posé une question et, sauf question de vie ou de mort, c'était à elle d'y répondre... Et après tout, Matvey n'avait qu'à empêcher ses hommes de ses saoûler à la moindre occasion.

- Ca pour manger, il a fait un petit-déjeuner de prince...pommes, avoine... Si vous voulez mon avis, il a une forme d'enfer mais si j'étais vous j'éviterais de le monter aujourd'hui.

Tout en parlant, elle s'était approché de Kirill et avait posé une main douce mais ferme sur son encolure. Bien que connu pour son carractère bien trempé, Kirill ne moucheta pas. Elle jeta un second regard à la blessure et qu'elle reconnu immédiatement. Intérieurement, elle bénit son frère Andrei qui l'avait toujours autorisée à s'occuper des chevaux avec lui.

- Oui... Il peut courrir, mais lui éviter la selle pour aujourd'hui accélèrerait les choses. Je dirais que d'ici demain tout sera réglé. Mais bon, Matvey vous donnera peut-être un avis un peu plus expert.

Matvey se contenta de hocher de la tête. Il était parvenu aux mêmes conclusions.

hj: la tienne est extra aussi. si ermolai continue à me regarder comme ça à chaque fois que je lis tes posts, je vais noyer mon ordi de... bave...

Ermolai soupira de soulagement: il avait bien mangé, tant mieux. Kirill ne devait pas perdre de poids, il était tout en muscle, il ne pouvait pas se permettre de maigir sous peine d'être maigre et malade. Pommes, avoine, c'était bien. Il lui donna un morceau de pain que le cheval attrapa avec ses lèvres avant de le mâcher avec bonheur. Lui et ce cheval, c'était une grande histoire d'amitié commune et partagée. Il lui tapota le front.

-Eh bien mon ami, pas de cavalcade ensemble aujourdhui!

Ermolai dédia l'un de ses sourires si rares à la jeune fille qui s'occupait si bien de son cheval. Kirill n'obéissait généralement qu'à lui mais il avait l'air de bien aimer la jeune fille. Il en était très content. Et très étonné. Faisant référence à sa proposition de demander confirmation à un certain Matvey , Ermolai répondit:

-Non, merci, je n'ai besoin que de vore avis. Je suis du même. Dites-moi, mon cheval à l'air de vous apprécier! D'ordinaire il refuse tout contact avec tout autre que moi. Comment vous vous appelez?

Cette jeune fille l'intriguait, décidément.

hj: oui, il a un regard ensorcelant!

Anushka eut un blanc. Elle avait toujours traîné un peu partout, avait vu des choses surprenantes, mais là c'était surréel. Une petite partie d'elle était triste pour Matvey, mais le reste était un peu subjugué. Elle reprit ses esprit.

- Anna Gavrilovna, dit-elle en inclinant la tête. Enfin, quand Stepan m'apelle Anna c'est qu'il est hors de lui. Tout le monde m'apelle Anushka.

Elle espéra qu'il ne prit pas mal le fait qu'elle ne fit pas la profonde référence dont devaient le gratifier les autres domestiques. Mais premièrement, elle trouvait cela dépalcé... ils n'étaient pas dans un salon mondain, mais surtout elle avait du mal à détacher ses yeux du charismatique personage. Elle réalisa avec effroi qu'elle avait apelé l'intendant des cuisines par son prénom et qu'elle avait omit le Pushkin. Tant pis. Elle repartit sur un terrain nettement moins dangereux, Kirill et elle se tourna de nouveau vers la magnifique bête.

- Je crois que Kirill sent que je l'aime bien. Malgré sa réputation, il sent que je ne suis pas tendue et que je le respecte... Alors pas besoin de fair le dur!

C'était bel et bien un homme de ce côté là.

Anushka n'était pas mécontente de l'intrusion de Vlad. La dernière fois qu'elle avait été aussi intimidée, c'était par le Tsar lui-même... alors l'arrivée joviale de Vlad était une bouffée d'air frais.

- Bonjour général Valasko. Plus ou moins! Je viens faire du volontariat. Vu qu'à paremment on n'a pas besoin de moi en cuisine. Tant que j'arrive avant Stepan Pushkin tout va bien...

Pauvre Stepan, il devait être au bord de l'explosion avec le banquet et le mariage.

Anushka écarquilla les yeux. Jamais en deux ans de service avait-elle fait autant de bourdes d'affilée. Il devait y avoir trop d'hommes autour d'elle... trop d'homme qui échapaient à son emprise et qui connaissaient son existence.

- Autant pour moi... Veuillez me pardonner.

Elle n'attendait plus que la foudre lui tombe sur la tête. Rien ne se passa, donc elle prit une profonde inspiration. Quelles avaient été les autres questions de Vlad? Ah oui, quoi. Mais pouvait-elle dire qu'elle remplacait les lads à cause de leur beuverie de la veille? Ou qu'elle était venue à la pêche aux infos?

- Ne vous inquiétez pas, du temps libre, j'arrive toujours à en trouver. Et puis, un tour aux écuries c'est une promenade de santé par rapport aux cuisines! Ca me rapelle un peu la maison. Et avec tous les invités qui ont commencé à arriver, il y a des chevaux à tenir prêts. D'où le volontariat... en atendant de prendre mon service.

Anushka se contenta d'envoyer à Vlad un de ses hochement de tête accompagné d'un petit sourir. D'accord, elle l'apellerait Vlad. Mais le problème était bien qu'il était noble... Il allait falloir qu'elle fasse attention, Vlad tous les jours, et Général Valako en présence d'oreilles plus ou moins hostile. Ce ne serait pas la première fois qu'elle allait devoir jongler avec les noms...

Certes, il lui en fallait un peu plus pour finir sur les rotules, mais elle pardonait volontier à Vlad sa méprise puisque tout le monde réagissait de la sorte. Elle même, parfois, en passant dans la glace doutait que le reflet de jeune fille frêle et menue soit le sien. Elle trouvait même son intérêt pour sa santé comme très gentil. C'était catégorique, elle allait arrêter d'arroser les gardes de vodka.

Ermolai avait juste salué Vlad de la tête et s'était tu, jusque là, pensif. Alors comme ça, elle ne faisait pas partie des palefreniers. Hum, dommage... Mais il se décida tout de même:

-Anushka, si Stepan vous laisse un instant de répis suffisant et que ça ne vous dérange pas, pourriez-vous vous occuper personnellement de mon cheval? Bien sûr, je ne vous y oblige pas, et vous serez payée en conséquence. Mais les autres garçons d'écurie sont tellement incompétents et Kirill vous aime bien...

Il donnait le fond de sa pensée sans s'occuper le moins du monde de la vexation que cela faisait endurer au chef palefrenier. Après tout, il ne faisait qu'énoncer une vérité. Il voulait le meilleur pour Kirill. Et des palefreniers grossiers et pleins de vodka, c'était loin d'être le mieux.

Stepan? Dur? Tout bien considéré, il avait quand même pas mal de travail de dernière minute sur la planche... Assez pour rendre fou un chef de seconde classe. Or, il n'était pas un chef de seconde classe.

-Non, Stepan gère son stress avec habileté et délicatesse, les même qu'il utilise pour ses merveilleuses patisseries. Enfin, on verra ça aujourd'hui, je prend mon service bientôt, je pourrais confirmer cela après le service de midi! De toute façon, il est toujours assez exigeant... mais, après tout, il n'est pas arrivé là où il est par miracle!

Et sans son exigeance, la cuisine se transformerait... tien, elle ressemblerait aux écuries. C'était ça le problème de Matvey; trop gentil, pas assez exigeant. Elle essaierait de lui en toucher deux mots plus tard.


Ce n'est que lorsqu'Ermolai s'adressa à elle de nouveau qu'elle réalisa avec embarras à quel point la conversation entre elle et Vlad avait dû lui paraître étrange. Et lorsqu'il lui fit une proposition qu'elle ne pouvait pas décemment refuser, elle le regarda droit dans les yeux.

S'occuper personnellement de Kirill, elle n'aurait pas cette oportunité deux fois dans sa vie. Bien sûr, il fallait qu'elle en parle à Stepan, mais quoi qu'il arrivâ, elle le ferait, fut-ce au milieu de la nuit après ses corvées.

- Ce serait un réel plaisir, et un honeur. Comme je l'ai dit, j'aime beaucoup Kirill. Cependant, je vous demanderais la permission d'en parler à Stepan avant d'accepter définitivement.

Elle vit Matvey lui lancer un regard couroucé et se dit que c'était la fin de leur amitié.

Ermolai hocha la tête et sourit, encore une fois:

-Si Stepan vous le refuse, j'irais le voir personnellement! Mon cheval a besoin d'attention, en fait, il a besoin de vous! Je sais que les cuisines aussi mais je vais être un peu égoïste pour une fois!

Il se tourna vers Matvey:

-Et vous veillerez personnellement à ce que tout se passe bien ici pour cette jeune fille et à ce qu'aucun de vos crétins de palefreniers ne touche plus, désormais, à mon cheval. S'il arrive quoi que ce soit, je vous en tiendrais pour personnellement responsable. Et vous en payerez les conséquences. Toutes les conséquences.

Ermolai était quelqu'un d'adorable, mais il le cachait bien. Il était chef militaire avant tout, et il tenait à être obéi surtout en ce qui concernait un sujet aussi vital que le bien être de Kirill. C'était plus qu'un cheval sublime, c'était un compagnon de guerre, de chasse, de promenade: un ami. Ils avaient une relation très forte, de confiance absolue l'un envers l'autre. Comme deux moitiés d'un même être. Il était né fin novembre, sous le signe du centaure, c'était sûrement un signe... Il avait retrouvé sa moitié cheval, avec Kirill. Ensemble, ils ne faisaient qu'un. On devait autant de respect à son cheval qu'à lui même, si ce n'était plus.

Ermolai sourit:

-Mais je m'occupe personnellement de Kirill, tous les jours. Mais il a besoin de plus. Il doit manger peu mais souvent et je ne peux pas être là toutes les deux heures. Quant à vous (il parlait à Matvey), effectivement, vous devriez tenir vos hommes. Ou en choisir d'autres. Méditez-y.

Les propositions d'Ermolai étaient des ordres. Si la tenue des écuries ne s'arrangeait pas très vite, il ferait lui même le nécessaire. Et ça risquait de ne pas être très agréable. Mais enfin, 200 personnes allaient arriver dans la journée, il ne pouvait pas y avoir de cafouillage. Nulle part dans le palais.
Il lança à Matvey un regard des plus durs qui aurait terrorisé une pierre.

L'attention des deux hommes s'étaient tournée sur Matvey, et même si elle ne sautait pas de joie de le voir se faire incendier, même à juste titre, Anushka était soulagée de ne plus être au centre de la conversation.

Elle gratifia les deux hommes d'un hochement de tête respectueux et s'éclipsa. Comme venait de le rapeller Vlad, deux-cent personnes arrivaient aujourd'hui et elle devait parler à Stepan avant qu'ils soient tous dans le travail jusqu'aux coudes, et pour cela il fallait qu'elle le trouve.

Ermolai sortit son cheval du box et entreprit de le brosser. Il adorait faire cela. Il se sentait tellement proche de lui, tellement en phase. Ils étaient un. Kirill baissa la tête et la posa sur l'épaule d'Ermolai. Il voulait un câlin. Ermlai referma ses bras autour du cou du cheval et colla sa tête sur la sienne. Il sentait les longs cils du cheval sur sa joue.
Le spactacle qu'offraient ces deux êtres vivants qui semblaient si peu faits pour la tendresse était étonnant et attendrissant tout en même temps.

Ermolai fit un petit signe à Vlad puis se replongea dans sa communication muette avec Kirill. Le contact avec un cheval est primordial. C'est un animal sensible qui, malgré sa taille et ses airs indépendants, a besoin d'affection et de tendresse autant qu'un chien si ce n'est plus. Ermolai entendait bien ce que disait Kirill. Pas des mots, des sentiments, des flots de sentiments.