Une prière pour la liberté

Lorelei n'était pas entrée dans une église depuis l'enterrement de son mari. Elle n'était pas une âme religieuse, c'était le moins que l'on puisse dire. Et pourtant, sa mère avait bien essayé d'en faire une grenouille de bénitier, répétant inlassablement qu'une jeune fille bonne à marier était belle, douce et élevée dans l'amour et la crainte de Dieu. Mais là, la situation était désespérée et elle avait décidé de donner sa chance à Dieu. Après tout, toute aide était bonne à prendre. Elle s'agenouilla:

-Si Tu existes, je t'en prie, aide-moi, fais que je puisse rester à Köln, veuve!

Elle se concentra et resta ainsi un très long moment, à se répéter la même phrase.

hj: ptdr, Dieu en a décidé autrement pour cette fois ci!^^ il est pour qui ce topic? je peux venir?

hj: hi, hi, hi, je sais! tu peux venir! ce topic n'est réservé à personne, tout le monde est invité! plus on est de fous...

Bien cachée dans un recoin sombre de la chapelle, Anushka entendit quelqu'un entrer. Elle ne bougea pas. Elle ne pouvait pas voir, pas plus que d'être vue alors elle fit confiance à ses autres sens.
Le bruit et le rythme du pas suggérait une femme, et les bruissements de robe une femme de rang. Puis elle entendit la prière. Interressant.

hj: comme je vous l'ai dit, elle est partout, voit et entend tout. Si jamais je surprend un truc impossible à surprendre, prévenez-moi et je retirerais mon post ^^

*Il arrivait à Shmuel d'avoir besoin de rentrer dans la chapelle. Il avait beau ne pas croire comme les chrétiens ou les ortodoxes, ça lui faisait du bien de se sentir en connexion avec Yaweh. Quel que soit le nom qu'on lui donne. Il aperçut alors Lorelei. Quelque chose clochait dans son expression. Il commençait à entrevoir son desespoir, non de n'être choisie mais au contraire, de l'être...*

- Bonjour. Vous vous souvenez de moi?

Lorelei se retourna vivement. Mais ce n'était pas Dieu, c'était l'Intendant des cuisines. Le tragique grotesque de la situation la ramena sur terre: que faisait-elle là, à parler avec les fantômes inventés par les hommes pour se sentir moins seuls et justifier leurs horreurs? Elle tenta - sans succès- de sourire:

-Oui, je me souviens de vous. Je suis heureuse de vous revoir!

Elle retenta un sourire. Encore plus désespérant que le premier. Elle prit donc la résolution de ne plus sourire: c'était une catastrophe.

-Vous venez prier?

Ele se rendait bien compte de la stupidité de sa question: que viendrait-il faire dans une chapelle si ce n'était pour prier? Pour jouer au bridge? Peu crédible. Mais il fallait bien qu'elle camoufle les soubresauts que ses nerfs lui faisaient endurer...

*Shmuel pensa un instant à répondre oui mais il ne voyait pas l'intérêt de lui mentir. Il répondit donc, tout naturellement*

- On pourait le croire mais en fait non. Je suis venu pour me "détendre". Rien que la présence de Dieu dans sa "maison", ça me fait du bien. Pas besoin de prier. Quoi que vous Lui demandiez, n'attendez pas de miracles: Dieu n'a pas grand pouvoir sur les affaires des hommes, je le crains.

*Shmuel faisait évidemment référence à l'ancien testament. Il avait toujours interprété la présence de l'arbre de la connaissance interdit dans le jardin d'Eden comme une manifestation de la volonté de Dieu de laisser aux hommes le choix de leurs actions. Leur libre arbitre en quelque sorte.*

- La... *Il se reprit aussitôt, il avait failli parler de la Torah, ce qui aurait été du plus mauvais effet* La Bible est assez claire au sujet du libre arbitre des hommes, ne croyez-vous pas?

*Il avait bien évidemment conscience du côté déplacé d'une discussion sur la Bible dans une chapelle, mais après tout, pourquoi ne pas parler dans la maison de Dieu? Si Dieu avait voulu que les hommes se taisent, leur aurait-il donné de quoi parler? Voyant arriver Vlad il lui demanda*

- Tu ne crois pas?

Lorelei était contre la religion. Dieu? Peut-être existait-il, mais les religions, elles, étaient des fadaises inventées par les hommes pour se cacher et justifier leurs actes les plus noirs. Et elle n'était pas assez bien disposée pour censurer ses paroles:

-Je crois surtout que les religions sont des stupidités, des inventions humaines bien pratiques pour continuer à se massacrer au nom d'un dieu qui ne dit jamais rien. Qui est aussi inutile qu'évanescent. La liberté humaine, parlons en. La liberté des hommes, vous voulez dire. Eux vivent selon leur libre arbitre. Leurs filles et leurs femmes n'ont pas leur mot à dire. Ce sont eux, les dieux. En tous cas, ils le croient assez fort pour asservir les seules qui donnent la vie sur Terre.

On touchait à l'essentiel...

- Permettez moi de ne pas être tout à fait d'accord. Pourquoi mettre sur le dos de Dieu quelque chose qui n'est finalement qu'humain? Et pourquoi mélanger Dieu à ce que vous reconnaissez n'être que la volonté des hommes? J'entends par là, pourquoi donc en vouloir à Dieu puisqu'il n'a rien à voir avec ça? Parce qu'on le prend à témoin? Est-ce que c'est sa faute pour autant? Ce n'est pas contre Dieu qu'il faut être en colère, mais contre les hommes.

*Shmuel croyait profondément en Dieu. C'était son port d'attache. Il avait toujours été là pour lui, le soutenant. Shmuel le sentait.*

-Dieu? Mais quel Dieu? Celui que prônent les religions? Sûrement pas! Alos quel Dieu? C'est ça la question, Dieu n'existe pas, ou pas comme on le dit. Alors franchement, comment parler de ce Dieu dont on n'a aucune idée? Et pourquoi lui demander de l'aide puisque précisément on n'a meme aucune idée de ce qu'est vraiment ce qu'on apelle Dieu.

Elle sourit, amère:

-Vous avez raison, comment être en colère contre un fantôme?

- Visiblement, nous n'en avons pas la même perception. Dieu ne peut vous aider que spirituellement. Comment pourrait-il influer sur les hommes sans briser leur libre arbitre? Au contraire, Dieu n'est pas un tyran, il laisse aux Hommes le choix de faire le bien ou le mal. Il ne peut apporter de réconfort qu'au niveau spirituel. Il nous aide à voir les bonnes choses qui nous arrivent aussi. Je sais de quoi je parle. Il nous apprend à accepter ce qui nous arrive. Et même si vous ne croyez pas en Dieu, ce qui est votre droit, même si, à votre place, je ne le dirais pas trop fort ici, vous devez accepter ce qui vous arrive. Non pas parce que je vous le dis, mais parce que votre rancoeur ne vous aidera pas à vous sentir mieux. Je me trompe?

*Shmuel ne voulait pas entrer plus profondément dans les questions de religion étant donné qu'il n'avait que des rudiments dans la religion à laquelle il était sensé appartenir et qu'il ne voulait pas se vendre.*

Lorelei sourit, mais c'était plus des larmes qu'un véritable sourire. Quand on est une femme noble, on dissimule ses sentiments, c'est bien connu. Et ça, elle savait faire, elle avait de l'entrainement. Ironique et amère à la fois, elle répondit, plus cassante que ce qu'elle aurait voulu (après tout, ce n'était pas sa faute à lui):

-Accepter... Oui, bien entendu, comme toujours! Ca se voit que ce n'est pas vous, la pièce de viande à marier.

*Ainsi, Anushka avait vu juste...*

- Voyez les choses du bon côté, si le Tsar vous choisit, vous aurez une vie de rêve ici! Nikolaï n'est pas un homme qu'il faut craindre d'avoir pour mari, c'est quelqu'un de bon. Je conçois que vous ne le voyiez pas sous ce jour-là, mais si vous avez le bonheur de le connaître, vous vous en rendrez compte. Dans le cas contraire, que ferez-vous?

*Shmuel avait parlé d'un ton apaisant. Il voulait qu'elle voit en lui un allié, parce que quand elle serait Tsarin, il en serait effectivement un pour elle. Elle aurait à faire à lui pour les fêtes et il sentait qu'ils s'entendraient très bien tous les deux. Autant le lui faire comprendre immédiatement histoire de calmer son angoisse et sa rancoeur.*

Lorelei n'était pas femme à se laisser abattre, d'ordinaire. Mais elle savait trop ce qu'était le mariage: une vallée de larme et surtout un cachot sans issue. Elle se laissa glisser sur le sol froid de la chapelle et laissa tomber les armes:

-J'ai déjà été mariée, vous savez. Ce n'était pas unmonstre, juste un homme normal. Comme les autres. Mais j'ai vécu en cage. Alors le bonheur de connaitre une autre prison, vous m'excuserez, mais je vois mal l'intérêt. Le palais de Cologne est une horreur glaciale, humide. Mais j'y suis libre. Ici, je serai dans une belle cage dorée, mais une cage tout de même. Le fait que les barreaux soient en diamant et les geoliers habillés de vêtements de soie brodés de fils d'or ne change rien... Si j'ai le bonheur de n'être pas choisie, je rentrerai à Cologne, dans mon palais humide et froid, mais dans lequel je suis parfaitement libre, dans lequel je n'apartiens qu'à moi!

- Mais... En quoi ce mariage ferait-il de vous une captive plus qu'il ne ferait du Tsar un captif? Vous pourrez évidemment aller à votre guise... Votre précédent mariage s'est donc si mal passé que vous ayiez si peur d'un nouveau?

*Se rappelant qu'ils étaient dans la chapelle, il l'aida à se relever et dit*

- Allons ailleurs, voulez-vous? Venez,je vous invite aux cuisines. Vous pourrez y prendre un café. Ou quelque chose de plus fort, ce sera à votre guise.

hj: je créé le nouveau topic: suite de la chapelle

Lorelei ne savait plus vraiment où elle en était. Elle saisit donc cette main tendue et suivit Sepan.