Home sweet... Home ?

Ce ne fut pas Ermolai qui sortit du château, mais Zlatan. Ermolai était en train d'élaborer un traité économique et lui allait au rat d'égoût. Comme toujours, il était dans ce demi-sommeil qui l'avait saisi le jour où il avait découvert son campement brûlé mais quelque chose, ou plutôt quelqu'un, attira son attention, ce qui était rare, ces temps-ci. Une jeune femme près des grilles qui avait l'air de vouloir entrer. En temps normal, il serait passé à côté sans même la regarder et pourtant, il s'arrêta à sa hauteur, comme fasciné. Elle avait de pauvres vêtements usés mais un visage d'une noblesse infinie. Une précision des traits, un tain blanc comme la neige en hiver et il se dégageait de sa personne un indéfinissable charme qui envoûtait les sens, en tous cas, ceux de Zlatan. Les mots sortirent seuls de sa bouche, lui qui ne parlait presque plus:

-Vous êtes perdue mademoiselle? Ou vous voulez entrer peut-être? Je peux vous aider?

Devant elle, il était redevenu l'ancien Zlatan, celui qui rit et qui vit, pas celui qui n'est plus qu'un fantôme de lui même, perdu dans les limbes de son passé.

Zlatan avait vu vasciller la jeune femme et il se précipita pour la retenir:

-Vous ne vous sentez pas bien? Asseyez vous, asseyez vous!

Mais au moment où il alait courir lui chercher quelque chose à boire et à manger, elle retrouva son équilibre. Il lui rendit donc son sourire. Mais celui de la jeune femme était clair, lumineux, presque irradiant tandis que celui de Zlatan était plutôt un petit sourire. Mais c'était déjà une victoire: cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas souri qu'il s'étonnait de savoir encore le faire. C'était sûr que la jolie sirène devant la grille le fascinait. Il répondit, ne sachant pas même comment il avait réussi à comprendre la question tant il était hypnotisé:

-Ermolai Valavski? Le général en chef des armées?

Cela l'étonnait. Qu'avait-elle donc en commun avec un tel personnage: haut placé, guerrier et souvent froid comme le marbre? En même temps il ne pouvait reprocher à persone d'être froid, lui même ne parlait pas avec les autres soldats.
Une fois la surprise passée il dit, plus professionnel:

-Je vais vous conduire à lui. Je suis Zlatan Travic, son nouveau bras droit, en quelque sorte.

Il s'étonnait d'ailleurs de cette situation pourquoi lui alors qu'Ermolai et lui n'avaient jamais tissé de liens?

Zlatan, qui marchait déjà vers la grille, se retourna vers Anna lorsqu'elle prononça le nom de Vlad. Elle connaissait Vlad? Et ses fonctions? Elle devait donc être proche soit de l'ancien bras droit d'Ermolai soit d'Ermolai lui même, ce qui n'allait bien sûr pas bien avec ses haillons.

-Anna, c'est un très joli prénom...

Il renonça à lui demander si elle connaissait bien Vlad ou Ermolai, après tout, cela ne le regardait pas, pas vrai? Il répondit à sa question, qui semblait pressante:

-Non, Vlad va bien. Il a juste décidé de changer de poste, c'est tout. Pour fonder une famille, je crois.

Il n'avait pas fait bien attention aux raisons qui avaient poussé Vlad à changer de fonction, à cette époque là, il se fichait de tout et de tout le monde. Ce qui était en train de changer.

-Suivez-moi, je vous conduis au palais.

Alors qu'ils passaient les grilles, les soldats essayèrent de retenir Anna: ils ne voulaient pas qu'elle entre, ils le lui avaient déjà dit:

-Eh, là, la souillon! On n'entre pas, j'ai dit! Les mendiantes ne sont pas acceptées à la cour! Les prostituées non pus! Il ne manquerait plus que ça!

Ils partirent d'un rire gras et moqueur. Zlatan, qui ne s'était pas rendu compte tout de suite qu'Anna n'avait pu suivre, était revenu sur ses pas et la prit par le bras au moment où ils allaient la jeter dehors:

-Garde à vous!

Les gardes s'exécutèrent immédiatement: ils avaient peur de Zlatan et de ses silences, de la dureté de sa voix et de ses ordres aussi.

-Cette jeune femme est sous ma protection désormais. Le premier que je verrai recommencer cette mascarade, son enfer aura un goût de paradis quand j'en aurai fini avec lui!

Ceci dit, il emmena Anna avec lui vers la salle des gardes.

Mina nageait dans une eau froide et limpide. Il faisait un soleil caniculaire et l'eau sur son visage lui faisait le plus grand bien surtout que, allez savoir pourquoi, elle nageait difficilement, comme secouée d'un côté et de l'autre. Ca donnait une impression étrange à la fois de soulagement et de malaise. Elle sentit soudain un contact rugueux sur sa main et le lac disparu, laissant place à un carosse qui tressautait sur les pavés. C'était Kassian qui lui humidifiait le visage et qui l'avait réveillée parce que...

-On arrive au palais! Courage, plus que quelques mètres.

Elle lui rendit son sourire et se redressa: elle avait finalement réussi à s'endormir, malgré l'inconfort plus que douloureux du voyage. Cela faisait bien une semaine qu'ils roulaient, de cahots en cahots, et voir le palais, c'était un véritable miracle. Après tant d'épeuves, ça semblait presque irréel d'arriver enfin.

- Tu as réussi à dormir un peu?

Il sourit encore, de ce sourire qui l'avait toujours fascinée et répondit:

-Non, pas vraiment. J'étais trop occupé à te regarder rêver! Je suis content qu'on y soit enfin.

Elle ne dit rien mais lui serra la main à son tour: ce qu'il ne disait pas, c'était qu'il avait le mal des transports. si c'était une semaine de torture pour elle, c'était pire encore pour lui, et elle le savait. Mais elle savit aussi qu'il ne dirait rien, son confort lui importait peu etdu moment qu'elle elle était bien installée, tout allait pour le mieux. Elle remercia une fois de plus le ciel de lui avoir envoyé un tel amour. Bien peu de femmes avaient autant de raisons qu'elle d'être aussi heureuse.
Ils descendirent du carosse en titubant. Ce n'était pas très élégant mais franchement, ils n'y prêtèrent pas attention, ils étaient trop meurtris pour cela.

-Eh, là, la souillon! On n'entre pas, j'ai dit! Les mendiantes ne sont pas acceptées à la cour! Les prostituées non pus! Il ne manquerait plus que ça!

-Garde à vous! Cette jeune femme est sous ma protection désormais. Le premier que je verrai recommencer cette mascarade, son enfer aura un goût de paradis quand j'en aurai fini avec lui!

Mina sursauta et regarda partir le "couple" vers le château après l'altercation avec les gardes. Elle secoua la tête: ça promettait...

- Vous aussi vous arrivez? *demanda Eevi à la jeune femme devant elle* ça a l'air de chauffer... Je suis Eevi, et vous? Mon mari ne va pas tarder à arriver... Vous êtes mariés vous deux?

*Eevi était une fille adorable mais des fois elle ne réfléchissait pas beaucoup avant de poser des questions qui pouvaient être indiscrètes aux gens. Elle voyait deux personnes qui avaient l'air de s'aimer mais de là à leur demander ça... Elle faillit se reprendre et s'excuser de ses questions intrusives mais quelque chose l'en empêcha, surement l'air bienveillant de la jeune femme.*

Mina sourit: après l'agressivité des gardes, la fraicheur de la jeune femme qui s'adressait à elle était la bienvenue.

-Oui, nous arrivons à l'instant. Tenez, regardez, c'est notre carosse, là bas!

Elle désigna un beau carosse finement travaillé et tiré par quatre splendides chevaux alezan brûlé qui, visiblement, se dirigeait vers l'écurie.

-Et vous ne pouvez pas savoir comme je suis heureuse d'être enfin sortie de cet instrument de torture! Je ne sens plus aucun os ni aucun muscle de mon corps! Je m'appelle Mina, enchantée! Eevi, ce n'est pas russe, si? Si vous venez d'une contrée plus éloignée encore que la notre, chapeau! Une heure de plus dans cette maudite boîte et je devenais folle!

Kassian sourit à son tour à Eevi et répondit:

-Et moi c'est Kassian. Oui, nous sommes mariés. Depuis cinq ans maintenant.

Il savait qu'il n'avait pas à donner ce genre de détails mais enfin, elle avait l'air bien sympthique, cette jeune femme, et il n'était pas d'un naturel sauvage. Quand on le connaissait, il était même une pipelette inarrêtable. Mina enchaina:

-Dites, quand nous serons remises de nos périples, que diriez-vous si nous nous retrouvions pour parler, passer du temps ensemble? A Omsk je tenais un salon très apprécié et je dois dire que je m'y amusais beaucoup. J'aimerais le recréer ici.

Elle était comme ça, Mina, marchant beaucoup à l'intuition. Et quelque chose lui disait qu'elle s'entendrait à merveille avec Eevi.

- Je viens de Finlande! En fait je suis arrivée il y a deux jours mais j'ai rendu quelques petites visites de courtoisie avant de me présenter à la Cour. Nous avions passé tellement de temps à être secoués dans tous les sens que nous nous sommes arrêtés un peu pour souffler. Une chance, mon mari connaissait quelques personnes à la frontière. Sinon je ne sais pas ce que nous aurions fait! Même avec deux jours d'arrêt complet, c'était encore une torture que de remonter dans le carosse. Je peux vous dire que je n'ai jamais rien hai autant!

*Le fameux carosse était d'une beauté resplendissante: vert tendre orné de feuilles en dorures. Alors ces nouvelles connaissances étaient donc mariés! Elle avait vu juste et elle s'en félicitait. Une indélicatesse pareille aurait été du plus mauvais goût!*

- Moi je ne suis mariée que depuis quelques mois.

*Elle se demandait si Juha avait été mis au courant de son arrivée et s'il allait venir la chercher bientot, elle était épuisée... Elle avait tenu à rendre visite à une vieille comtesse russe que ses parents aimaient beaucoup et qui lui racontait souvent de merveilleuses histoires quand elle était petite mais comme Juha avait des visites à faire au palais, ils s'étaient séparés.*

- Un salon? C'est une merveilleuse idée, j'y serais si vous en faites un ici! Quel genre de salon teniez-vous?

Mina éclata de rire: les carosses pouvaient bien être splendides, ils restaient des instruments de torture redoutablement efficaces. Celui de Kassian et Mina était brun foncé et rouge, sculpté de motifs géométriques aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur et aggrémenté de soie rouge et de coussins moelleux mais il n'en restait pas moins que chaque cahot effritait un peu plus les os des passagers:

-C'est vrai que c'est affreux! Je ne vais pas pouvoir bouger pendant deux jours! Enfin, ça permet quand même de voyager loin en relativement peu de temps... Mais quel engin démoniaque!

Kassian souriait en écoutant Mina pester contre l'inconfort des carosses: cinq ans qu'ils étaient mariés et il l'aimait toujours autant, il l'admirait toujours autant, si ce n'était plus. Rien chez elle ne l'irritait, ne serait-ce qu'un petit peu. Certes, elle avait des défauts, mais il allait même jusqu'à les aimer. De toutes façons, il l'avait adorée dès qu'il l'avait vue. Et pourtant, elle n'avait que 10ans à l'époque, et lui 17. Mais elle l'avait toujours fasciné et même lorsqu'il n'était pas encore question d'amour entre eux, elle le passionnait déjà. Il n'imaginait pas la vie sans elle, tout simplement. C'était un homme hors cadre, qui avait souvent été en décallage avec les autres, mais jamais avec elle, même lorsque la différece d'âge aurait pu les séparer. Pourtant, ils étaient on ne peut plus différents, déjà à l'époque. Il était rêveur, elle était sauvage et énergique. Il aimait passer des heures à contempler un nuage, elle ne restait pas en place. Il aimait être seul ou seul avec elle, elle s'entourait de toujours plus d'amis. Elle l'avait bousculé, poussé dans ses retranchements, écarté à gauche à droite, il avait ralenti ses ardeurs, tempéré sa révolte, adouci ses manières mais ils étaient resté fondamentalement eux mêmes, tout en s'adaptant à l'autre et le mélange, contre toute attente, avait toujours fonctionné. Ils n'étaient pas de ces couples qui s'entre déchirent ou se fondent entre eux, ils ne s'étaient jamais fait de mal mais s'étaient toujours complétés. Et pourtant, tous auraient parié sur un échec d'autant plus violent que leurs caractères s'opposaient définitivement.

Mina continuait sa conversation avec Eevi:

-C'était un salon de discutions, rien de plus! Ca dépendait des jours, de l'humeur, mais on parlait de tout et de rien, d'art, de musique, de littérature, de nos vies aussi, de petits riens. Bref, rien d'exceptionnel, mais c'était amusant. Je serais ravie de pouvoir mieux vous connaître.

Et elle ne disait pas cela dans le vent, pour être polie. Elle ne disait jamais rien pour être polie, elle se taisait plutôt. Non, elle avait réellement envie de mieux connaître la jeune femme qui avait l'air bien sympathique et trrès intéressante.

- Mais c'est fantastique! J'adore ce genre de salons! En Finlande je participais régulièrement à ceux des comtesses et duchesses que je connaissais ou que mes parents appréciaient et depuis mon mariage je n'ai pas eu l'occasion d'en fréquenter... Ce qui est très dommage! Il faut absolument que je remédie à ça, n'est-ce pas?

*Une ombre traversa son regard au souvenir du pourquoi de cet état de faits... Le fait est qu'il leur avait fallu fuir ou quasiment fuir à cause de son oncle qui menaçait de faire éclater leur mariage ou bien plus encore... Etait-ce sa fautre après tout s'ils étaient tombés amoureux alors que son oncle prévoyait de marier Juha à sa fille? Sa cousine, elle la retenait aussi, avec ses airs de petite princesse malheureuse qui a été trahie par celle qu'elle considérait comme sa soeur... Comme si Tyyni était capable du moindre sentiment... Elle avait pleuré de rage oui, de voir s'envoler un aussi bon parti! Elle n'avait pas pu manipuler son monde et elle était vexée comme un poux... Mon Dieu, que cette petite peste avait pu leur pourrir la vie!*

Mina sourit:

-C'est sûr, il faut y remédier! Mais pourquoi n'avez vous pas continué à fréquenter les salons finlandais après votre mariage? Il y a une raison spéciale?

Mina sentait qu'il y avait une raison douloureuse à cet état de fait et que cela avait aussi à voir avec leur envie de vivre en Russie. En fait, elle l'avait vu dans le drôle de regard d'Eevi. Mais elle ne voulait pas la forcer à parler et elle lui laissait donc une porte de sortie, si elle voulait éviter la question.

-Losque l'on se marie, on a autre chose à faire ensuite, je suppose...

Elle n'avait jamais changé ses habitudes une fois mariée, pourquoi l'aurait-elle fait? Elle connaissait Kassian bien avant de se marier avec lui et tout avait toujours été clair entre eux: ils étaient un couple, certes, mais pas fusionné, articulé plutôt, avec un lien central mais qui n'empêchait pas les mouvements de chacun. Ils ne l'auraient supporté ni l'un ni l'autre. D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle avait toujours été folle de Kassian, mais aussi folle de liberté. Ces deux amours étaient irrépréssibles, et il en était de même pour Kassian, alors ça n'avait jamais posé de problèmes. Elle se disait souvent qu'elle avait une chance inouie. Très peu de gens pouvaient se dire honnêtement qu'ils n'avaient rien trahi pour l'autre, même s'ils l'aimaient, et que ça continuait à fonctionner.

- Oh non, il n'est pas question de cela, en réalité mon mariage est la cause de cet abandon sans l'être vraiment... Disons que la véritable responsable est ma cousine Tyyni ainsi que mon oncle, son père. Après mon mariage avec Juha ils nous ont tellement pourri la vie que nous ne pouvions plus aller chez personne sans subir les regards désapprobateurs... Mon oncle est un homme qui déteste que les choses n'aillent pas comme il le souhaite et il voulait Juha pour Tyyni. Il a du raconter tellement d'horreurs sur nous et comment nous aurions soit disant brisé sa petite poupée chérie que c'est un miracle que nous n'ayons pas eu plus de problèmes que ça... Enfin, c'est toujours un peu compliqué ce genre d'histoires, même quand ça ne devrait pas... Et vous deux? Je suis désolée *s'interrompit-elle soudain* je suis d'une insupportable curiosité, vous n'êtes pas obligée de répondre si le coeur ne vous en dit pas!

Mina sourit, Eevi, curieuse? Oui, sûrement, mais c'était loin d'être un défaut! C'était au contraire une preuve d'intelligence et d'empathie, ce qu'elle considérait comme étant la qualité essentielle pour rendre une conversation intéressante. Se contenter de dire ce qui est convenable transforme inévitablement la joyeuse après midi papotte en un calvaire d'ennui, c'était mathématiques et aussi logique que 2 et 2 font 4.

-Eh bien, vous semblez avoir eu beaucoup de mal à vous marier! Il faudra que tu...

Elle avait la très mauvaise habitude de tutoyer les gens qu'elle aimait bien, elle n'avait jamais pu faire autrement:

-Ca te dérange si on se tutoie? (hj: Eevi accepte, j'ai l'accord d'Audrey). D'accord, c'est super! Il faudra que tu me racontes ça plus en détails! Mais je crois que je saisis l'essentiel: une petite fille déçue et un papa rageux qui fait tout pour sauver sa fille du ridicule où elle s'est mise toute seule... Ou bien où lui même l'a mise en la proposant à un homme qui se fichait d'elle comme d'une guigne!

Kassian souriait: Mina et sa manie de tutoyer les gens. Lui, il devait attendre plusieurs mois, voire des années de fréquentation assidue pour le faire, et encore. Mais Mina, c'était Mina, et elle tutoyait avec tant de naturel qu'il lui était très dur de vouvoyer quelqu'un très longtemps.
Lorsqu'Eevi parla de leur mariage, elle jeta un regard à Kassian. Ah, leur mariage... Mieux que dans les contes encore, féérique d'un bout à l'autre.

-Eh bien c'était il y a plus de cinq ans, en mai, à Omsk. Le cadre était à tomber par terre! Des fleurs partout, du soleil, de la musique... C'était presque un rêve éveillé, tout était parfait!

Kassian sortit de sa réserve pour évoquer leur mariage tant se le remémorer était agréable:

-C'était surtout la mariée qui était parfaite. A partir de ce moment là, il aurait tout aussi bien pu pleuvoir des cactus!

Mina eut un sourire:

-Ce n'est pas dans mes habitudes d'être mièvre, mais le marié était parfait aussi!

Kassian lui rendit son sourire. Ah le sourire de Kassian, il y aurait eu des livres à écrire pour tenter de le définir.

-C'était une journée pleine de paix. Vous voyez, notre mariage arrangeait tout le monde et en plus c'était un mariage d'amour. Que demander de plus?

Elle savait que leur situation était inespérée, paradisiaque et excessivement rare. Un cadeau du ciel qui ne s'était pas démenti, un miracle, et même si elle n'y croyait pas le reste du temps, tous les matins en voyant le visage endormi de Kssian, elle croyait en Dieu quelques secondes. Leur accord était tellement parfait, sans être ennuyeux, que s'en était presque incroyable.

hj: si tu veux la relancer sur leur recontre et les débuts de la romance, libre à toi!

- Ah mon Dieu, ça y est, je suis jalouse! *le sourire qu'elle avait quand elle fit cette déclaration démentissait ses propos* J'aurais tellement aimé avoir un mariage de paix et d'amour... Ce qui aurait pu être le cas, parce qu'après tout, nos deux familles étaient ravies... Mais quand mon oncle et Tyyni sont arrivés... Enfin, je te raconterai cela plus tard, ce n'est pas vraiment amusant! En fait tout à l'heure je voulais te demander comment vous vous êtes rencontrés mais je me suis mal exprimée. Ce qui n'est pas bien grave vu que je voulais aussi te demander des précisions sur votre mariage, mais enfin... Bon bref, vous vous êtes rencontrés comment tous les deux?

-D'accord mais il faudra que tu me racontes! La première fois qu'on s'est vus, j'avais dix ans et lui dix sept, nos parents se connaissaient et ses parents avaient invité les miens pour l'été. Nous sommes tout de suite devenus amis. Où il allait, j'allais, et vice versa! Ce qui n'était pas sans étonner nos familles et amis, de voir une petite fille et un jeune homme toujours collés ensemble! Surtout que nos caractères étaient, et sont toujours, très dissemblables! Il me suivait dans mes cavalcades effrénées et je l'écoutais me faire la lecture des heures durant. Lui était un doux rêveur toujours perdu dans ses livres et moi une petite fille toujours en mouvement, mais je ne sais, nous devons être complémentaires à un point extrême: nous ne nous sommes jamais vraiment disputé. Peut-être que nous n'avons tellement pas le même caractère qu'il n'y a pas de raison d'être en désaccord... Toujours est-il que nous nous sommes revus souvent ensuite, presque 6 mois dans l'année, l'été chez lui, l'hiver chez moi. La première fois qu'il m'a dit qu'il m'aimait, j'avais treize ans et lui vingt. Mais ça n'a jamais posé de problème. Ca aurait pu, je le sais, mais ça n'a jamais été le cas, même si ça parait incroyable à dire. Il n'y a jamais eu le moindre problème, le moindre doute. Nous avons évolué chacun de notre côté mais ensemble, et parallèlement. Puis nous nous sommes mariés, sans souci, sans problème de la part de la famille, et nous vivons ensemble depuis 5 ans comme nous avions déjà vécu ensemble depuis 5 ans. Je crois que rien n'a changé depuis le premier jour, les sentiments se sont précisés, mais pas rafermis ni ralentis, c'était impossible...

Elle savait que ça avait l'air impossible mais pourtant!

- Quelle belle histoire! C'est tellement rare de voir des couples qui durent depuis si longtemps sans jamais faiblir! Tenez, par exemple, je connais une jeune femme, Mélanie, avec qui j'étais amie étant enfant, qui s'est mariée avec un cousin à elle qu'elle connaissait depuis sa naissance. Ils s'entendaient très très bien et leur mariage n'avait été une surprise pour personne. Quelques mois à peine après leur mariage, ils s'entretuaient! Enfin, façon de parler, mais ils se disputaient tellement que c'était un supplice d'aller chez eux. Elle était devenue aigrie et méchante, elle était toujours là à le rabaisser et lui, il était devenu complètement fou, il rentrait dans de ces colères... Et comme ça en plus, sans raison, devant n'importe qui! Et pas toujours contre sa femme... A la fin je laissais mes parents y aller seuls quand il fallait vraiment que notre famille s'y déplace, c'était devenu invivable même pour quelques heures! Je ne sais pas trop ce qu'ils sont devenus mais il me semble qu'ils font plus ou moins maison à part... Ce qui est sacrément triste, eux qui s'entendaient si bien.. Mais d'un autre côté je ne pense pas qu'ils se soient jamais aimés. Ils s'étaient mariés parce que c'était ce que tout le monde attendait d'eux...

Mina réfléchit un instant:

-C'est vrai, beaucoup de gens qui se marient après avoir été amis d'enfance ne sont plus capables de s'entendre après. Je pense que c'est parce que c'est très facile de se tromper entre l'amour et l'amitié très profonde... Et une fois qu'il n'y a plus ni l'attrait de la nouveauté ni le suspens de la séduction, il ne reste plus grand chose... C'est étonnant, je sais, mais avec Kassian nous n'avons jamais connu ce genre de problèmes. Et je peux même m'avancer jusqu'à dire que nous n'avons jamais douté. L'amour était déjà là dès le début, je pense, en attente de la maturité. Je ne crois pas que l'amitié puisse jamais se transformer en amour, c'est soit l'un, soit l'autre, ça ne se mélange pas, m^me s'il est facile de se tromper. Mais entre nous, c'était évident. Comme si nous étions reliés par un fil invisible mais indestructible... Mais toi, avec ton mari? Ce n'était pas une évidence, dès le premier regard, malgré ton oncle?

- Eh bien en effet, je pense également que l'amour peut amener la complicité mais jamais l'amitié. L'amitié a ceci de rédibitoire pour l'amour qu'il s'agit d'un sentiment dénué d'attirance physique...

*Elle réfléchit un instant à la question de Mina. Elle se rappelait comment son oncle lui avait plus ou moins forcé la main pour l'obliger à aller entreprendre un boulot de maquerelle et comment elle y était allée, furieuse que son oncle ne respecte même pas sa propre famille pour sevir ses fins douteuses.*

- Eh bien en réalité je ne suis allée le voir que pour que mon oncle me laisse en paix. Tyyni est une jeune fille magnifique tu sais, alors je me suis dit que dès que j'aurais attiré son attention sur elle, il la suivrait partout comme un petit chien, ce que font tous les hommes. A dire vrai je n'avais vu Juha que très rapidement jusqu'alors et je ne le trouvais pas très attirant pour tout dire. Et puis je suis allée lui parler et il a levé les yeux vers moi avec un sourire qui n'appartient qu'à lui et là je me suis dit que c'était le plus bel homme que je n'avais jamais vu... Pourtant j'ai rempli mon office et je lui ai parlé de Tyyni à laquelle il a jeté un vague coup d'oeil. Le coup de fondre était réciproque. A partir de ce moment là, plus rien d'autre n'était envisageable. Pourtant je le connaissais à peine, mais les yeux sont, comme on dit, une fenêtre sur l'âme, et les siens ne m'ont jamais trompée...

hj: comme vous mourrez tous d'envie de voir à quoi ressemble Tyyni, la voici!^^