Arrivé

La missive écrasée entre ses doigts, Irina vint chercher un semblant de calme dans la chapelle. Elle avait un besoin urgent de faire le point, et quel meilleur endroit que la maison de Dieu pour cela?

Alors qu'elle s'attendait à être seule et tranquille, elle remarqua un homme, l'air vaguement repoussant, les cheveux et la barbe en bataille qui était en plein recueillement. Instinctivement, elle s'installa aussi loin de lui que possible. Ses problèmes ne concernaient qu'elle, et elle avai assez de mal à gérer l'affaire pour laisser un étranger mettre son nez dedans. Les mains tremblantes mais le visage impassible, elle regarda le pli chiffoné qu'elle n'avait pas le courrage de lire de nouveau.

Mais qui était-il? Elle ne l'avait jamais vu ici, et voilà qu'il lui parlait de son frère comme si toute la cour était au courrant qu'il allait épouser une cruche... Si c'était une idée de sa mère, elle allait faire fi de sa contenance et lui dire clairement ce qu'elle pensait.


Irkoutsk, le...

Irina,

Ton frère a enfin fait son choix pour une jeune fille de bonne famille. Le marriage est prévu pour dans six mois. Nous pensons qu'il serait sage que tu restes à Saint-Petersbourg jusqu'à nouvel ordre.

Ta mère.

C'était tout ce que sa mère lui avait envoyé. Ni nom, ni date précise...

- Plait-il? fit-elle, un peu trop agressivement par rapport au ton pourtant aimable de l'homme étrange.

Comment pouvait-il dire cela? Il ne pouvait pas bien aller, il était sur le point de faire la plus grosse erreur de sa vie.

Elle regardait avec stupéfaction l'hommme, Boleslav. Comment ? Comment savait-il ce qui la tourmentait alors que personne hormi sa famille n'était au courrant? Irina dut lutter contre elle-même pour ne pas se laisser emporter par la violence de ses émotions. Lui demader si c'était vrai, comment il pouvait le savoir était la chose à ne pas faire, car cela aurait été admettre qu'il avait une chance d'avoir raison, et jusqu'à preuve du contraire, son frère ne pouvait être heureux uniquement parce que leur mère devait enfin le laisser en paix. Oh que oui, une letttre serait la bienvenue, mais elle passerait illico par la censure de sa mère qui la jetrait dans les flammes. Quant à sa présence au marriage, malgré l'envie énorme qu'elle avait d'y mettre les pieds, elle savait sa mère assez inflexible pour avoir donnée ordre aux gardes de la tuer si jamais elle s'approchait.

Son poing se crispa un peu plus sur la missive oh combien chaleureuse de sa mère.

- Je me présente, Irina Leonovna. Et veuillez me pardonner si je vous semble discourtoise, mais il est impossible que vous puissiez connaitre assez sur le sujet qui m'amène ici pour pouvoir affirmer ce que vous affirmez. Oui, j'ai un frère, cela n'est un mystère pour personne... Quant au fait qu'il soit heureux ou pas, je pense être la plus à même de le décider au moment où je le reverrai.

Elle ne continua pas à parler du mariage et de sa présence car elle aurait dû mentir pour faire croire à l'homme qu'il se trompait, et mentir dans la maison du Seigneur était un impair qu'elle ne commettrait pas. Sa vie était assez compliquée comme cela sans qu'elle s'attire les foudres divines par un mensonge en sa propre maison. Elle avait trop de respect pour Dieu pour cela.

Irina prit peur. Elle avait de nouveau six ans, son père venait de réaliser qu'elle venait de lui mentir, ou plutôt qu'elle lui cachait la vérité, et il venait de rentrer dans une de ses colères aussi légendaire que rare. Elle serra les dents, regardant d'un air dédaigneux le papier froissé entre ses doigts.

- Vous avez raison. Je n'en sais rien d'autre que ce que ma mère m'en dit. Pas de lettre de mon frère... elle ne le laissera pas m'écrire. Je sais que ce genre de missive de la part de ma mère n'a qu'un seul sens, elle a enfin mit une idiote fortunée dans le lit de mon frère et elle ne veut pas que je vienne mettre mon nez dedans...

C'était impossible, mais pourtant c'était vrai... Elle ne pouvait pas admettre qu'il avait certainement raison. Pourtant, la curiosité état trop forte.

- D'où tenez-vous information? demanda-t-elle pas si abruptement que cela. Si elle avait été heureuse, on aurait presque pu qualifier sa voix de douce.

Son frère pouvait-il vraiment être heureux? Pouvait-elle vraiment venir au mariage sans perdre la tête? Pouvait-elle lui écrire?

- Peut-être parce que je ne vous connais pas, et que vous venez me parler précisément du sujet qui me tourmente alors que personne n'est au courrant... Enfin, c'était ce que je pensais. Si cette affaire se met à faire le tour des salons, je vais me trouver face à la délicate situation qui consiste à répondre à certaines questions qui m'ennuient et à me justifier d'une absence qui me pèse. Voilà exactement la raison pour laquelle j'insiste. Vous devez quand même vous douter que de telles paroles fassent peur et provoquent un certain rejet. Mais plus vous persistez à ne pas vouloir me parler, plus je meurs d'envie de connaitre le fond des choses. Voilà, il me semble, la raison pour laquelle j'insiste.

Irina était en proie à une guerre intérieur, une guerre sale ou le Doute, planait sur les troupes de son Coeur, de sa Conscience, de sa Fièreté et de sa curiosité. Cet homme était comme une torture.

La révélation de Boleslav fit l'effet d'un coup de foudre. Irina trembla littéralement. Entendre ces mots prononcés à voix haute était presque insoutenable. Tout était vrai, tout ce qui était parvenu à la maison était une missive insipide qui rendait compte du fait qu'elle était bien arrivée.

Elle laissa la lettre tomber sur le sol, la regardant d'un regard confus.

- C'est... C'est atrocement douloureux... Je pourais lui écrire bien sûr... Mai le revoir, voir qu'il peut vivre sans moi...

Les mots se coincaient dans sa gorge. Sa vie à elle avait tellement été liée à celle de son frère qu'elle avait volontairement ignoré le fait qu'ils avaient une existence individuelle, et son marriage...

- Ce marriage, je crains tellement de n'y trouver qu'une masquarade visant à caser mon frère, et à lui faire obtenir un statu social... Je refuse de voir mon frère soufrir pour l'orgeuil de ma mère, et si j'y vais... Je risque de tout fouttre en l'air.