Milles excuses

Irina avait tout de suite trouvé ses apparements à son goût. Bon, elle avait rendu quelques éléments de mobilier supperflu et là, c'était comme elle aimait. Sobre, fonctionnel, élégant et comfortable.

Elle avait réussi à rassembler de quoi entretinir son épée qui avait un peu souffert pendant l'entrainement avec Vlad, ce qui était normal. Mais elle ne voulait pas la laisser dans cette état. Comme à chaque fois qu'elle profitait d'un moment de détente, elle avait laissé ses cheveux cascader autour d'elle.

Irina entendit frapper et soupira. Ne pouvait-elle pas profité d'un moment de solitude?

- Entrez, c'est ouvert! fit-elle à la porte.

Irina vit arriver Vlad avec une pointe de soulagement. C'était un homme simple et dont la compagnie était agréable et il n'était pas de ces hommes encombrants.

- Oui bien sûr, au contraire! Après ce matin, je le prendrais mal que tu me donnes du Madame ou Mademoiselle Leonovna, c'est ma mère ça! Mais je t'en prie, assied-toi... J'ai mis de l'eau à chauffer... un peu de thé ou de café?

Elle posa son épée sur le côté pour mettre quelques feuilles de thé dans sa théière. Cela lui avait donné envie. Puis comme l'eau n'était pas encore à la bonne température, elle se rassit, son arme sur les genoux.

- Cela ne te gênes pas si je termine d'entretenir mon épée? Oui, il est vrai que le combat de ce matin était vraiment interressant... pour ne pas dire introguant.

Irina accepta les excuses d'un léger hôchement de tête.

- Ne t'inquiète pas de l'image de ta caserne... Les tensions existent partout. Ce n'est pas si exceptionnel que cela.

Irina avait été le témoi muet de l'étrange scène. Elle avait tiré certaines deductions mais se doutait que Vlad ne devait pas être au meilleur de sa forme.

- Et... je voulais te dire, je suis désolée que ton amie se soit sauvée. Vraiment. Car c'était bien de cela qu'il s'agissait? La jeune femme... Anushka, c'est ton amie. Et le colosse, Grisha, est sont frère. Cela s'est arrangé entre vous deux.

Une ou deux bouteilles de vodka... Cela expliquait certaines choses.


- Certes, mais j'imagine qu'il vaut mieux que les choses sortent. Parce que si vous aviez continué plus longtemps sans que son frère soit au courrant, la situation aurait pu être pire... Remarque, j'admire le fait que tu sois revenu entier. Il semblait être prêt à te briser en deux!

Irina se leva pour remplir enfin la théière, en versa deux tasses et en tendit une à Vlad.

Irina l'étudia du regard par dessus sa tasse de thé. Elle savoura sa première gorgée avec délectation, puis reposa la tasse sur la table basse.

- Si je peux me permettre... Anushka ne t'a pas dit non. Certes, elle ne t'a pas dit oui non plus, mais il fallait la comprendre. Si j'ai tout suivit, elle devait déjà gérer le fait que Grisha la trouve ici... Et cela semblait mal parti. Mais le fait que tu fasses ta demande a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Elle devait déjà se sentir acculée... et là tu lui pose la question qui va changer sa vie entière. Moi aussi j'aurais fuit à sa place.

Elle reprit son épée.

- Mais tu n'es pas tombé sur la bonne personne. J'ai beau railler les femmes en général... Je ne suis pas objective dans ce cas là. Vous vous connaissez depuis longtemps? Parce qu'une servante et un général, c'est assez inhabituel, bien que très touchant.

Les histoires d'amour, Irina les observait toujours de l'extérieur. Elle n'avait pas droit à ces romances qui chamboulaient le coeur et l'âme. Parfois, elle se contentait de courtes aventures, tant que les choses étaient claires, et qu'elle n'était pas amoureuse.

Irina eut un sourire indulgent, et l'espace d'une seconde, elle vit son père dans sa propre expression, et cela la rempli de nostalgie.

- Un seul mois et tu l'aimes déjà au point de la demander en mariage! Tu dois vraiment être mordu. Je comprends un peu qu'elle soit partie en courrant, mais elle ne sait pas ce qu'elle rate... à quel point un homme comme toi est rare. En fait, je ne crois pas qu'elle soit partie pour te faire souffrir. Elle a dû se trouver dans l'incapacité totale de prendre une décision. C'est positif parce que cela veut dire que "Non" n'est pas sa première option. Non est facile à dire, plus que oui, parce que oui, c'est accepter que sa vie change, et cela peut vite être terrifiant. J'ai bien peur qu'elle soit encore plus perdue que toi. Il faut lui laisser un peu de temps.

Elle regarda sa lame qui était de nouveau aussi lisse que lorsqu'elle était neuve, puis après l'avoir soigneusement graissée pour qu'elle ne s'abîme pas. Irina remit l'épée au fourreau avant de la poser à sa place, juste sous sont son lit.

- Comment cela c'est de ta faute? Tu plaisante? De quoi te rends-tu coupables? De l'aimer? De l'aimer assez fort pour vouloir passer le restant de ta vie avec elle? Si c'est de cela que tu parles, tu n'as pas à te sentir coupable, c'est le plus beau cadeau que tu puisses lui faire.

Elle remplit de nouveaux les tasses de thé.

- En revanche, je me demande comment vous avez pu vivre votre histoire aussi longtemps. Parce que ce genre de liaison entre une domestique et un gradé... il n'y a pas des lois contre ça?

- J'imagine qu à ce point, qui vivra verra. J'aurais tord de vous faire croire qu'elle acceptera si ce n'est pas le cas, mais je ne sais pas... je ne crois pas à un non. Je crois que c'est un risque que tu dois accepter de prendre. Les sentiments, la dévotion à un autre être que soi fait souffrir, c'est dans l'ordre des choses, justement parce qu'on a beau sentir que cette personne est comme une extension de soi, elle ne l'est pas...elle a des pensés propres, des émotions qui le sont tout autant.

La volonté de protéger son coeur et son âme de tels sentiments était une mesure de sureté qu'il fallait avoir le courage de prendre. On ne souffrait plus à cause des autres, et c'était souvent plus facile à gérer.

- Et le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas... Je t'admire de prendre autant de risques pour elle. Elle doit vraiment le mériter, enfin, j'espère qu'elle le mérite et qu'elle réalise quelle chance elle a. Tout le monde ne l'a pas.

Irina avait toujours trouvé qu'un homme amoureux, surtout quand ce n'était pas d'elle, avait un certain charme. Certains, comme Vlad à présent, transpiraient la tendresse pour celle qu'ils aimaient et cela mettait en exergue ce à quoi elle ne pouvait pas aspirer... Un homme pour elle seule, une perspective de famille, de vie simple. C'était rare qu'elle s'attarde sur ce qu'elle n'avait pas et n'aurai jamais, mais les hommes amoureux avaient ce pouvoir sur elle de la rendre parfois mélancolique.