Rumeurs

Le coeur léger, je vais frapper à la porte d'Anushka. Aussi heureuse que la situation me le permet, j'ai tout de même entendu de drôle de rumeurs...
Impatiente qu'Anushka m'ouvre, je ne cesse de me balancer d'un pied sur l'autre. Voilà que je ne peux plus tenir en place. Qui a dit que l'amour ne donnait pas des ailes ?

J’entre, un vague sourire au lèvre. Le sourire s’évanouit aussitôt. C’est... Anushka ? Elle tremble, semble au bord des larmes et je ne crois jamais avoir vu des cernes si profondes...
Je m’approche d’elle, lui prend ses épingles à chignon des mains et entreprend de finir son chignon à sa place.

– Que se passe-t-il ? demandé-je, véritablement inquiète.

Je mets mon bonheur en sourdine, essaye de mettre Ermolai dans un petit coin de ma tête. Mais il semblerait qu’il ait décidé de prendre toute la place...

– Anushka... soupiré-je. Dis-moi ce qui ne va pas. Tu m’inquiètes vraiment !

Et puis les rumeurs qui courent dans les couloirs n’arrangent pas les choses.

– Mais c’est génial ! m’exclamé-je. Pas que Grisha veuille te tuer ou que Vlad soit au 36ème dessous, mais qu’il ait fait sa demande je veux dire. Ça ne te fais pas plaisir ?

Je dois avouer que je n’y comprends plus rien. Si Vlad veut l’épouser, ça ne peut qu’être une bonne chose... non ?

– Chut... murmuré-je en prenant Anushka dans mes bras. Calme-toi... Tu sais qu’il t’aime, il te l’a prouvé des centaines de fois. Il n’a pas fait ça par devoir, il l’a fait par amour...

Quel triste paradoxe : Anushka a le moral au plus bas alors que je voudrais hurler de joie. Si seulement je pouvais lui en passer un peu, de ma joie...

– Te marier ne t’empêchera pas de travailler. Quand à sa réputation, je crois qu’il ne s’en soucie pas plus que ça. Il est tout de même très gradé, je doute que son mariage fasse oublier aux gens sa position.

Je m’interromps un instant, incapable de réprimer un sourire.

– Et puis... je crois qu’il n’est pas le seul...

Je m’interromps une nouvelle fois, prends une grande inspiration.

– Ermolai m’a demandé en mariage ! m’exclamé-je enfin. Ça va peut-être créer une multitude de problèmes et des centaines de rumeurs mais... je ne peux m’empêcher d’être heureuse. Il aurait put épouser qui il voulait, le Tsar lui a même demandé d’épouser sa nièce ! Et pourtant, c’est moi qu’il a choisi.

– Cette histoire avec Roksana était fondée. Ils sont bel et bien montés dans la chambre d’Ermolai et il m’a dit qu’il n’avait pas pu me tromper. D’un homme qui désire tellement être libre, je ne peux sans doute pas en demander plus. Il m’a prouvé de toutes les manières possibles qu’il m’aimait. Je ne crois pas avoir besoin de plus.

Je fronce les sourcils et marque un temps de pause, histoire de réfléchir correctement à la question d’Anushka.

– Tenir la tête à plus haut que moi... Je dois t’avouer que je ne l’ai jamais fait. Aussi stupide que cela peut sembler, je crois que je resterais toujours une simple domestique. Pas dans mon coeur, mais dans ma tête. Après tant d’année à travailler pour eux, je ne sais pas si j’aurais le courage de m’adresser à eux d’égal à égal.

Puis un grand sourire vient réchauffer mon visage. Pour quand c’est prévu ? Bien trop tard à mon goût, mais il faut ce qu’il faut.

– Dans deux semaines, nous nous fiancerons. Le mariage viendra ensuite, nous verrons ! Quant à ce qui changera, je ne sais pas ! Les projets, non plus ! C’est dingue de se dire que l’on va se marier, juste par amour... Oui, je me souviens de l’écurie, vaguement. Pourquoi donc ?

– Anushka... l’interrompis-je doucement. Tu sais, je ne veux pas vraiment de grosse cérémonie. Ce n’est pas vraiment ma place... Je veux dire, je ne peux pas décemment avoir une aussi jolie cérémonie qu’une Duchesse. Enfin, tu me diras, c’est à Ermolai de décider. Mais ça ne tenait qu’à moi, ça serait une petite cérémonie suivit d’un petit repas, dans les jardins. J’imagine très bien la scène : un grand ciel bleu, une après-midi à rire et s’amuser, une ou deux têtes dans la rivière si la chaleur devient trop étouffante. Quelque chose de simple.

Je m’interromps un instant.

– Dis, si jamais il me faut une nouvelle robe, tu viendrais m’aider à choisir ?

– Nous ferons ce qu’Ermolai a envie. Je ne veux surtout pas l’embêter avec mes états d’âme. Enfin passons.... Ce n’est pas pour tout de suite ! Quand a la robe... je devrais peut-être en parler avec lui d’abord. Je ne sais pas... Qu’en penses-tu ?

Je m’interromps un instant.

– Dis, vu ce temps magnifique, que dirais-tu de sortir en forêt, histoire de nous rafraîchir un peu ?