La gueule du lion

Je déteste Manuella. Vraiment. Ce n’est pas comme si elle avait un jour été gentille avec moi mais là... Non ! M’envoyer nettoyer la chambre de Daniil... J’en frissonne déjà. Mais elle a raison : c’est mon travail et je n’ai pas à protester. Alors je ne proteste pas. Je suis juste, morte de trouille. J’ai l’impression de passer mon temps à avoir peur. Je sursaute au moindre coup de vent, au moindre murmure...

Je finis par frapper à la porte de Daniil, je ne peux pas rester plantée devant sa porte, les bras chargés de draps. Personne ne répond. Le stress part d’un coup, me permettant enfin de respirer librement. Je sors le passe de ma poche et ouvre la chambre. Personne... Parfait !
Le coeur plus léger, je me mets à l’ouvrage.

Le drap que je tirai retombe dès que j’entends sa voix derrière moi. Je me retourne doucement, les muscles crispés. Déjà, ma respiration se fait irrégulière, la panique me tord le ventre. Je reculerais bien d’un pas si le lit n’était pas derrière moi.
Je réussis néanmoins à m’incliner, comme il se doit et à bredouiller.

– Bonjour monsieur.

Je vois la porte se refermer brusquement. Tout espoir de fuite est réduit à néant. Je ne prend même pas la peine de répondre à sa question. Peut-être que si je l’ignore, il se détournera de moi... Aussitôt dit, enfin, pensé, aussitôt fait. Je reprends le draps en main et essaye de finir de faire ce lit malgré mes tremblements.

J’essaye désespérément de l’ignorer, jusqu’à ce que sente sa main sur ma hanche.

– Ce n’est pas poli du tout, me glisse-t-il.

Je m’écarte d’un pas, le dévisage d’un air que je veux volontaire et agressif avant de lui lancer :

– Monsieur, je ne vous permet pas ! Je suis ici pour travailler, veuillez me laisser tranquille !

Oui, je sais, c’est ridicule. Mais je ne peux pas lui dire vraiment ce que je pense ? Il est... noble ! Si je fais ça, je pers ma place et franchement, je n’ai pas besoin de ça en ce moment. Et puis, peut-être qu’il va simplement laisser tomber...

– Je vous assure, Monsieur, que je me laisserai pas faire. Alors, faites un pas sur le côté et laissez-moi partir.

Ah, où sont les gardes ou les héros quand on a besoin d’eux ?

Trop contente de m’en tirer à si bon compte, je sors sans demander mon reste, encore un peu sonnée. Ce n’est que dans le couloir, que je viens effleurer mes lèvres du bout des doigts, dégoûtée. Si tout ne s’était pas enchaîné assez vite, je l’aurais giflé...

Je fais quelques pas, m’adosse contre un mur et me laisse glisser jusqu’au sol. Jamais deux sans trois, non... ? Et la perspective d’une nouvelle confrontation me fait déjà frissonner.