Act like you didn’t care

J’ai toujours eu du mal à dormir. Et d’aussi loin que je me souvienne, le meilleur moyen que j’ai trouvé pour dormir : c’est l’épuisement. L’épuisement est rassurant, il permet d’arrêter de penser à ce qui pourrait se passer, d’arrêter d’imaginer sans cesse, il permet de tout mettre en pose pour un instant.

Cette nuit ne fait pas exception à la règle. Je vais me coucher tard et je me lèverais tôt avec l’espoir que demain, je tombe de fatigue. Je remonte ma robe pour qu’elle ne traîne pas dans la boue des écuries. Je n’ai jamais mis de pantalon. L’idée de m’en procurer un ne m’a jamais effleuré non plus. Et puis, ce n’est pas comme si j’avais de l’argent à y mettre.

Derrière les écuries, il y a cet arbre dissimulé aux regards. Grand et large, il offre une cible idéale. J’ai réussis à subtiliser un arc et un carquois il y a des années à mon père, il ne m’a pas quitté depuis. Je sais, c’est très vieux jeux et que maintenant, les arcs, c’est assez dépassé. J’aurais dut choisir à me battre à l’épée. Mais l’épée signifie un combat rapproché et vous me voyez, face à l’ennemi ? Je lui demanderais sans doute de ne pas me faire trop mal avant de commencer...
Non, l’épée est une mauvaise idée. Alors que le tir à l’arc...

Je pose le carquois à mes pieds, saisis mon arc comme s’il se doit et encoche une flèche. Je vise, tire. La flèche vient se planter exactement là où je désirais. J’encoche une deuxième flèche, tire. Elle vient se ficher dans une branche, un peu au dessus de la première.

La pratique fait la perfection. Quand je me jugerais assez compétente, j’essayerais sans doute de viser à cheval, ça, ça doit être génial.

– Il y a quelqu’un ?

Surprise, j’encoche une nouvelle flèche et me tourne vers la source de la voix. Je n’ai que ma lampe à huile posée près de l’arbre pour bien le distinguer qui éclaire. Mais je ne vois rien. Nerveuse, je bande un peu plus mon arc, jusqu’à sentir la corde vibrer contre ma joue.

– Qui êtes-vous ? demandé-je d’une voix que je voulais ferme et assurée mais qui ne traduisait que la peur qui me nouait le ventre.

Un drame, ici ? Mal à l’aise, je ramasse mes affaires en piquant un fard avant d’aller rechercher ma lampe à huile près de l’arbre. Rougissante de honte, je m’approche de la porte de l’écurie, là où la voix provenait.

– Je suis désolée, bredouillé-je, je croyais que j’étais seule.

Rougissante, je réajuste mon arc sur mon épaule. Arf, qui a dit que le ridicule ne tuait pas ? Il va sans doute me prendre pour une folle furieuse qui tire à l’arc dans la nuit... !

– Anna, pour vous servir, répondis-je en m’inclinant brièvement.